Malgré une forte baisse du nombre de fumeurs l’année dernière, une nouvelle étude révèle que les personnes ayant des problèmes de santé mentale arrivent à se sevrer deux fois moins souvent que les autres consommateurs de tabac. Menée par des scientifiques de la Columbia Mailman School of Public Health et de la City University of New York, la recherche a été publiée dans la revue Nicotine and Tobacco Research.
Taux d'abandon
"Dans l'ensemble, les programmes de sevrage tabagique ont connu beaucoup de succès, mais nos recherches indiquent que les personnes ayant des problèmes de santé mentale n'en ont pas bénéficié", déplore le directeur de la Renee Goodwin.
À l'aide des données de surveillance nationale, son équipe a analysé les taux d'abandon du tabagisme chez les Américains ayant des maladies mentales, et les ont comparé à ceux des individus sans troubles psychiques. Ils se sont concentrés sur une courte période d’un mois. Ils ont alors constaté que seuls 24% des fumeurs souffrant d’un problème psychologique avaient réussi à arrêter le tabac, contre 52% de la population exempte de ce genre de soucis médicaux.
Atténuer les symptômes
Curieusement, les malades seraient moins susceptibles de se voir offrir un traitement de désaccoutumance au tabac. "On croit depuis longtemps que les problèmes de santé mentale seront exacerbés par l'abandon du tabac et que le tabagisme est bénéfique pour la santé mentale, mais de plus en plus de données confirment le contraire", explique Renee Goodwin.
Par ailleurs, dans le cas de la schizophrénie par exemple, les malades non diagnostiqués commencent à fumer du tabac ou du cannabis pour atténuer leurs symptômes, développant une addiction d’autant plus grande. Une étude antérieure, de la même auteure, avait révélé que la dépression et l'anxiété pouvaient nuire à l'abandon du tabac. "Les efforts de lutte antitabac doivent se concentrer de toute urgence sur les personnes souffrant de problèmes de santé mentale", conclut Renee Goodwin.
Des conséquences dramatiques sur la santé
La dernière étude de santé publique France indiquait que les femmes avaient aussi beaucoup plus de mal à arrêter de fumer. "Alors qu’il a été constaté entre 2016 et 2017 une chute très importante du tabagisme quotidien avec un million de fumeurs en moins, cette baisse n’a pas été homogène. En particulier, le tabagisme n’a pas diminué chez les femmes de 45-54 ans, à la différence de toutes a les autres tranches d’âge", alerte François Bourdillon, directeur général chez Santé publique France, à l'occasion du troisième mois sans tabac.
Et comme pour les personnes souffrant de maladies mentales, les conséquences sanitaires sont dramatiques. Selon le dernier BEH, le nombre de décès attribuables au tabagisme a été multiplié par deux chez les femmes entre 2002 et 2015. Sur la même période, la mortalité par cancer du poumon et BPCO (une maladie pulmonaire, NDLR) a augmenté respectivement de 71% et 3% chez les femmes, alors qu’elle a diminué de 15% et 21% chez les hommes.
Dans la même dynamique, la fréquence des nouveaux cas de cancer du poumon a augmenté de 72% chez les femmes entre 2002 et 2012, tandis qu’elle est restée stable chez les hommes. Concernant les BPCO, le nombre de patients hospitalisés a doublé entre 2002 et 2015 chez les femmes, et augmenté de "seulement" 30% chez les hommes. Pour l’infarctus du myocarde, l’incidence a augmenté de 50% entre 2002 et 2015 chez les femmes de moins de 65 ans, contre 16% chez les hommes.