Une nouvelle façon d’appréhender le cancer et surtout de prévoir la virulence des tumeurs vient d’être mise au point par une équipe de scientifiques de l’institut Albert-Bonniot de Grenoble, regroupant des chercheurs du CNRS, de l'Inserm et de l'université Joseph-Fourier. Dans leurs travaux publiés dans Sciences Translational Medecine, ces chercheurs sont parvenus à montrer que dans presque tous les cancers, plusieurs dizaines de gènes, notamment ceux spécifiques à la production des spermatozoïdes ou du placenta, sont activés anormalement, alors qu’ils sont comme « endormis » lorsque le même tissu ou organe est sain.
Autrement dit, ils ont mis en évidence une sorte de « crise d'identité » des cellules cancéreuses dans les organes ou tissus dans lesquels se développe une tumeur. Afin de comprendre la signification de ces activations aberrantes de certains gènes au sein des tumeurs, l’équipe s’est intéressée tout particulièrement au cancer du poumon. Ils ont étudié les tumeurs de près de 300 patients ayant été opérés au CHU de Grenoble. Ils ont ensuite regardé quels gènes y étaient anormalement exprimés, tout en corrélant ces données aux précieuses informations de suivi conservées sur ces mêmes patients. Grâce à cela, ils ont réussi à identifier une série de gènes qui, lorsqu’ils sont exprimés de façon aberrante, permettent de déterminer avec une grande précision l’agressivité du cancer.
Ecoutez le Pr Christian Brambilla, pneumologue au CHU de Grenoble et co-auteur de l’étude : « On a découvert 26 gènes dont l'activation est associée à des cancers du poumon de très mauvais pronostic. »
D’ici quelques années, cette découverte pourrait permettre de prévoir, au moment du diagnostic de cancer d’un patient, si sa maladie du poumon ou du sein, est à haut risque de rechute ou même, à haut risque de mener à une issue fatale. « On s’est rendu compte que même pour les toutes petites tumeurs du poumon qui avaient été opérées précocément, lorsqu’elles comportaient cette signature moléculaire, avec les 26 gènes allumés, sur nos courbes de survie, ces patients avaient eu malgré tout, un pronostic très mauvais, ajoute le Pr Christian Brambilla. Lorsque l’on mettra ça en pratique dans plusieurs années, on pourra faire des diagnostics bien plus précis. Dire à quelqu’un, vous avez un cancer certes, mais rassurez-vous, il est de bon pronostic ou alors l’inverse. »
Autre piste de recherche, cette nouvelle méthode pourrait aider à appréhender plus précisément les éventuelles rechutes. Et pourquoi pas les anticiper. Notamment chez les patients qui ont déjà été opérés pour un 1er cancer grâce à une simple prise de sang. « Dans le cancer du poumon, étant donné que ce sont des gènes des testicules et du placenta qui s’expriment anormalement, il est probable qu’ils sécrètent des anticorps circulant dans le sang. Du coup, avec une prise de sang, on pourrait mettre en place un système de diagnostic précoce chez des gens à haut risque, notamment chez les gros fumeurs », explique Christian Brambilla.
Ecoutez le Pr Christian Brambilla : « Quand on connaît les dérégulations des gènes, il est plus facile de trouver des moyens de les bloquer, soit grâce à des médicaments soit grâce à des techniques d’immunothérapie. »
Ces chercheurs français poursuivent leurs travaux, notamment pour tenter d’expliquer la relation entre l’expression anormale de ces gènes et la virulence du cancer. Même s’ils se sont focalisés sur l’analyse de tumeurs pulmonaires, ils confirment qu’il est envisageable d’étendre leur approche, à quasiment tout type de cancers.
Cette découverte s'isncrit dans le développement des stratégies de thérapies ciblées du cancer.