Et si pour être immunisé contre la grippe saisonnière, le spray nasal remplaçait le vaccin sous-cutané ? C’est l’étonnant projet sur lequel travaille une équipe internationale de chercheurs, et dont les premiers travaux encourageants viennent d’être publiés dans la revue Science.
Alors qu’en France, la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière a débuté en octobre dans les pharmacies et les cabinets médicaux, cette nouvelle étude donne à voir à quoi ressemble le vaccin de demain : un spray nasal dont l’efficacité durera toute la saison grippale, et ce même le virus mute rapidement.
En effet, contrairement au vaccin sous-cutané, ce spray serait efficace contre une soixantaine de souches du virus de la grippe. "Nous n'avons pas encore de vaccin qui protège contre les deux principaux types de grippe (A et B). La clé de cette étude est la mise au point d’un anticorps multi-domaine neutralisant les virus de la grippe A et B", explique Ian Wilson, professeur de biologie structurale à la chaire Hansen du Scripps Research Institute.
Des anticorps de lamas pour tester son efficacité
Pour créer un vaccin capable de protéger contre différentes souches de la grippe, les chercheurs ont travaillé à partir d’anticorps provenant de lamas. Ces animaux ont en effet la particularité de produire des anticorps uniques, plus petits et plus simples que ceux des humains, et qui donc s’insèrent dans des sites de liaison plus petit et plus en retrait sur la surface virale.
"Ici, les anticorps de lama peuvent facilement se lier ensemble pour créer des anticorps multi-spécifiques se liant à différents sites sur différentes cibles", détaille le Pr Ian Wilson. "Cette multi-spécificité est la clé pour avoir une large couverture d'agents pathogènes très variables comme la grippe." Les chercheurs ont commencé par réunir deux anticorps de lama anti-influenza A et deux anticorps anti-influenza B pour créer un anticorps "multi-domaine", capable de cibler les virus grippaux de type A et B, et donc de protéger contre toutes les souches du virus en circulation et susceptibles d’affecter les humains et de créer une épidémie.
Quatre anticorps spécifiques
"La question a ensuite été de savoir comment on pouvait délivrer ces anticorps", explique le Pr Wilson. Avec son équipe, il a alors conçu un gène exprimant une protéine de ces quatre anticorps spécifiques, qui a été intégré à un virus inoffensif (un virus adéno-associé, ou AAV).
Ce vecteur viral a ensuite été administré dans les narines de souris via un spray nasal. Le but était de les amener à produire ces anticorps protecteurs dans les voies respiratoires supérieures, les tissus les plus vulnérables à la grippe. Après analyse, il s’est avéré que les souris traitées ont bien mieux survécu au virus de la grippe que celles n’ayant pas reçu le vaccin. Avant une éventuelle commercialisation du spray, celui-ci nécessite des études supplémentaires pour déterminer s’il sera efficace contre la grippe saisonnière chez les humains.