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Regards Croisés

Diabète : le point de vue du diabétologue sur le risque cardiovasculaire majoré

Par Dr Philippe Montereau

Comme le diabétique de type 2 est exposé à un risque majoré d’accidents cardiovasculaires, l’évaluation soigneuse du niveau de risque est indispensable. Elle est nécessaire tant pour orienter les explorations complémentaires indispensables, que pour déterminer les objectifs du traitement.

SerafinoMozzo/istock

Il est essentiel d’évaluer le risque cardiovasculaire global chez chaque diabétique de type 2, étant donné son risque aggravé d’accidents cardiovasculaires. En théorie, cela se fait simplement en relevant, un à un, les facteurs de risque associés à l’élévation de la glycémie chronique : tabagisme, élévation du cholestérol dans le sang, manque d’exercice physique, stress, alimentation pauvre en fruits et légumes, sexe masculin, âge, antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire, consommation d’alcool excessive…

Mais pour les diabétologues, le bas risque cardiovasculaire n’existe pas chez les diabétiques de type 2. Certains malades ont un risque modéré, mais la plupart du temps, le vrai challenge c’est de distinguer les malades à risque très élevé de ceux qui sont à risque simplement élevé. Et c’est là qu’il faut aller plus loin sans nuire aux malades et plomber les comptes de la sécurité sociale.

Risque élevé et très élevé

Le risque très élevé, c’est bien sûr le malade qui a déjà fait un accident cardiovasculaire ou celui qui a une atteinte rénale avérée avec un taux élevé d’albumine dans les urines ou une insuffisance rénale. Si rien n’est fait, ces malades sont exposés à des accidents cardiovasculaires plus fréquents et plus précoces : accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde, artérite obstructive des membres inférieurs…

Le malade à risque élevé, c’est le diabétique qui a d’autres facteurs de risque associés mais pas de complications. Le problème, c’est que certains diabétiques qui n’ont pas d’antécédents d’accident cardiovasculaire ou d’insuffisance rénale sont également à très haut risque d’accidents, évènements qui peuvent survenir très vite. L’enjeu est donc d’identifier ces derniers grâce à d’autres marqueurs ni trop coûteux, ni trop pénible, ni trop dangereux.

Identifier les risques très élevés mais « masqués »

La microalbuminurie, qui témoigne d’une atteinte des vaisseaux sanguins, n’est pas un marqueur de risque très élevé, mais l’albuminurie le devient (macroalbuminurie) car cette dernière témoigne d’une atteinte rénale, mais c’est un marqueur un peu tardif. Le cholestérol ou les antécédents familiaux sont plutôt des facteurs de risque associés qui témoignent d’une atteinte élevée.

Rechercher ces malades à très haut risque par des examens fonctionnels est bien sûr possible, mais si on peut à l’évidence diagnostiquer une ischémie myocardique silencieuse via une épreuve d’effort ou une scintigraphie myocardique de stress, on ne peut cependant pas faire subir ces examens à tous les malades.

Le score calcique pour trier les malades

Il faut donc un marqueur simple qui permette de faire le tri. Et c’est tout l’intérêt du score calcique, un examen très rapide et peu coûteux qui permet de rechercher et de comptabiliser automatiquement les plaques d’athérome calcifié dans les artères coronaires.

Il est démontré qu’en cas de score calcique élevé, le risque d’accident coronarien est majeur et il est alors légitime d’envisager une épreuve fonctionnelle : épreuve d’effort ou scintigraphie myocardique de stress, plus coûteuses et plus risquées. L’intégration de ce score calcique dans les recommandations est en cours.

Une évaluation initiale fondamentale

Ce temps initial d’évaluation du risque est donc fondamental puisqu’il oriente le niveau et le coût des explorations, et au bout du compte, il guide les objectifs thérapeutiques.

Les objectifs d’abaissement de la pression artérielle chez le diabétique de type 2 ont été revus à la baisse mais sont identiques dans les 2 cas : il faut atteindre désormais 13/8, avec une systolique comprise entre 120 et 129 mm Hg et une diastolique inférieure à 90 mm Hg. De plus, ces objectifs doivent être atteints le plus vite possible, c’est-à-dire en instaurant d’emblée un traitement double (bithérapie) associant un bloqueur du système rénine et un diurétique ou un inhibiteur calcique.

Par contre, pour le cholestérol, l’objectif du taux de LDL-cholestérol dans le sang est de moins de 1 gramme par litre en cas de haut risque et moins de 0,7 gramme par litre en cas de très haut risque par exemple.

Pour la glycémie, il faut également tenir compte de l’âge, car chez les malades qui ont un diabète depuis très longtemps, il est désormais clair que les abaisser en dessous de 7% d’hémoglobine glyquée leur fait courir un risque d’accident et on sera moins exigeant à partir d’un certain âge. L’évaluation du risque impactera également le choix des thérapeutiques. Par exemple, en cas de HDL-cholestérol bas et triglycérides élevés, il sera possible d’envisager d’utiliser un fibrate en association aux statines. Pour les hypoglycémiants, il a bien été démontré que certains analogues du GLP1 comme le liraglutide et le semaglutide donnent des résultats très intéressants de réduction des accidents cardiovasculaires qui peuvent les faire indiquer en première intention en cas de très haut risque.

5 facteurs de risque à contrôler

Au-delà de l’équilibre du diabète et de la normalisation du taux de sucre dans le sang, si on contrôle chaque facteur de risque, cela va se traduire par une réduction drastique du risque : le risque cardiovasculaire à 10 ans baisse nettement en dessous de 10%. Selon une étude publiée dans le New England Journal of Medicine, un traitement bien adapté et l’absence de tabagisme peuvent réduire de manière très importante le risque aggravé de maladie cardiovasculaire inhérent au diabète de type 2. Dans certains cas, le sur-risque pourrait même disparaître.

Ces facteurs de risque associés à la glycémie, qu’il est crucial de contrôler, sont la pression artérielle, le statut lipidique (cholestérol, fractions du cholestérol et triglycérides dans le sang), la fonction rénale et le tabagisme. Le tabagisme est le facteur de risque le plus important de décès prématuré, tandis que le taux de glycémie élevé est le facteur le plus dangereux vis-à-vis des infarctus du myocarde et des accidents vasculaires cérébraux.

Dans le diabète, c’est désormais un vrai changement de paradigme, l’amélioration du pronostic cardiovasculaire passe par une évaluation plus fine des niveaux de risque qui va permettre de réduire très significativement le risque d’accidents afin d’ajuster au mieux le contrôle de tous les facteurs de risques associés au diabète.

Regards Croisés : l'interview du Pr Paul Valensi (Bobigny) sur la prise en charge du risque cardiovasculaire dans toutes ses dimensions chez le diabétique de type 2