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La lotterie génétique

Pourquoi des personnes sont-elles plus douillettes que d’autres ?

Par Raphaëlle de Tappie

De plus en plus de scientifiques s'intéressent aux origines de la douleur afin de mettre au point des traitements plus adaptés pour les malades. Et d'après la science, 60% de notre réaction face à un choc serait expliqué par la génétique. 

Aleksej Sarifulin/iStock
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Dans la cour de récréation un enfant tombe et ne pleure pas. Un second fait exactement la même chute et s’effondre en larmes. Pourquoi certaines personnes sont-elles plus sensibles que d’autres à la douleur ? Dans un article publié cette semaine, le site d’informations australien The Conversation s’est intéressé à la question en prenant à partie plusieurs études sur le sujet.

La douleur serait génétique et donc héréditaire

D’après la science, jusqu’à 60% de la variabilité de la douleur serait génétique et donc héréditaire. Le reste serait à mettre en compte sur notre forme mentale et physique au moment du choc, notre environnement et bien évidemment nos expériences et traumatismes passés. Génétiquement parlant, la différence se joue au niveau des variations génétiques. Ces dernières peuvent se présenter sous différentes formes, la plus connue étant le polymorphisme d’un seul nucléotide appelé SNP.

Dans les années 60, rappelle Slate, des études ont démontré que dans certaines familles génétiquement apparentées, certains enfants étaient tolérants à la douleur. Cette analgésie congénitale, qu’on appelle aujourd’hui canalopathie, est le résultat de mutations et délétions spécifiques au sein de gènes qui transmettent les signaux de la douleur, le plus courant étant le gène SCN9A. Et si l’on pourrait penser que ces familles ont de la chance, ne jamais ressentir aucune douleur peut en fait s’avérer très dangereux. Car alors que les personnes normales ressentent une douleur dans la poitrine avant d’avoir une crise cardiaque, les personnes atteintes d’analgésie congénitale ne présente aucun signe avant coureur d’un AVC.

A contrario, les mutations du gène SCN9A peuvent également provoquer des douleurs extrêmes de deux sortes : l’érythermalgie primaire et le syndrome de douleur extrême paroxystique, deux types de douleurs héréditaires extrêmement rares.

Mettre au point des traitements adaptés à la génétique de chacun

D’autres études ont également montré qu’un SPN assez courant au sein du gène SCN9A, appelé 3312G>T et présent chez 5% de la population mondiale, déterminait la sensibilité à la douleur après une opération et donc à la quantité de médicaments à opioïdes nécessaires pour en venir à bout. Un autre SNP du gène SCN9A est quant à lui responsable d’une plus grande sensibilité chez les personnes qui souffrent de douleurs dus à l’arthrose, à la pancréatite, à la chirurgie d’ablation des disques lombaires ou encore à l’amputation d’un membre.

Toutes ces recherches aident bien évidemment les médecins à trouver des traitements plus adaptés à leurs patients. Aujourd’hui, des scientifiques étudient la tétrodotoxine, une neurotoxine produite par des créatures marines telles que les poulpes qui bloque la transmission du signal de la douleur. Plus spécifiquement, la tétrodotoxine s’est révélée très efficace dans le traitement des douleurs dus aux cancers et à la migraine. De nombreuses études cliniques sont actuellement en cours.

Traitements personnalisés

Ces recherches de plus en plus nombreuses sur l’origine de la douleur pourraient aider à traiter au mieux les souffrances des malades en mettant au point des traitements personnalisés. Des stratégies de gestion de la douleur ciblées, correspondant aux gènes d’un patient donné, commencent d’ailleurs à émerger. Ainsi, à terme, les risque d’accoutumances ou d’effets secondaires seraient considérablement diminués.

"Si nous parvenons à mieux comprendre ce qui rend les individus plus ou moins sensibles à la douleur dans toutes sortes de situations, nous serons alors mieux armés pour réduire la souffrance humaine en développant des traitements contre la douleur personnalisés et ciblés, comportant des risques plus faibles de mésusage, de tolérance et d'abus que les traitements actuels", déclarait déjà Erin Young, spécialisée en génétique de la douleur, dans un article paru sur le sujet dans la revue Nature en 2010.