En cas de chirurgie esthétique ou reconstructrice des seins, l’utilisation des implants mammaires à enveloppe texturée est désormais déconseillée par l’ANSM, qui recommande aux professionnels de santé d’utiliser de préférence des implants mammaires à enveloppe lisse.
"En complément des investigations actuellement menées par les agences de santé européennes, l’ANSM considère qu’il est nécessaire, avant de prendre une décision concernant l’utilisation notamment des implants mammaires à enveloppe texturée, d’interroger les parties prenantes sur la place de ces implants dans la chirurgie reconstructrice et esthétique", précise l’agence de santé publique dans un communiqué. "Ainsi, tout citoyen, représentant les patients ou non, les professionnels de santé, sociétés savantes de chirurgie esthétique et sénologie, cancérologie, les universités, les institutions ou les entreprises commercialisant des prothèses mammaires peuvent demander à être auditionnés (voir ici)".
Un cancer rare et agressif
Christian Marinetti, lanceur d'alerte du scandale PIP et chirurgien-plasticien, accusait en septembre dernier le modèle de prothèses mammaires texturées "Biocell" de provoquer des lymphomes anaplasiques à grandes cellules.
Le lymphome anaplasique à grandes cellules (LAGC) est un lymphome non-Hodgkinien à cellules T périphériques. C’est un cancer rare et agressif, affectant les ganglions lymphatiques et les organes. "Surveillons, encore de plus près que les autres, les patientes ayant des Biocell. Comme pour un médicament, les prothèses ont des effets secondaires. Celui-là est grave, mais rare. Le risque est faible, mais maintenant que nous le connaissons, nous sommes obligés d'en tenir compte", estime le spécialiste.
53 cas de lymphome anaplasique à grandes cellules
53 cas de lymphome anaplasique à grandes cellules ont été associés aux implants mammaires (LAGC-AIM) déclarés à l’ANSM entre 2011 et juillet 2018. Parmi ces 53 patientes, cinq sont décédées, dont trois en lien avec une progression du LAGC. Pour les deux autres patientes, l’imputabilité reste incertaine. La moyenne d’âge des patientes au moment du diagnostic était de 58,4 ans (minimum : 29 ans ; maximum : 83 ans). La durée moyenne d’implantation entre la dernière prothèse mammaire implantée et le diagnostic du LAGC est de 7 ans, avec un minimum de 3 mois et un maximum de 25 ans d’implantation sur la dernière prothèse mammaire.
"Celle qui donne le plus de problèmes de lymphome, c'est la Biocelle d'Allergan", explique encore Christian Marinetti. Son aspect granuleux, conçu pour mieux adhérer au sein, serait à l’origine des lymphomes. "Elle a permis à des tas de femmes qui ont eu un cancer du sein, qui ont été amputées du sein, de retrouver une apparence physique normale", nuance cependant le lanceur d’alerte, qui n’envisage pas de proscrire ces implants mammaires. Ce serait aux chirurgiens "d'évaluer sur le terrain quels sont les avantages ou les inconvénients d'utiliser tel ou tel type d'implant dans l'intérêt du patient", précise-t-il.
Maladies auto-immunes
Les soupçons envers les produits de marque Allergan ne datent pas d’hier. C’est en mars 2015 que l’Institut national du cancer (INCa) et l’ANSM ont levé ce lièvre. En juillet 2016, 29 cas de lymphomes associés aux implants mammaires avaient déjà été signalés en France. Une récente étude publiée dans Annals of Surgery indique d’ailleurs que les femmes ayant des implants mammaires en silicone ont plus de risques de développer des maladies auto-immunes et des cancers de la peau.
Comparativement aux implants remplis de solution saline, les implants en silicone sont également liés à un risque plus élevé de complications chirurgicales. Il s'agit notamment de rétraction capsulaire (cicatrice autour de l'implant), qui se produit avec 5% des implants en silicone, contre 2,8 % avec les implants remplis de solution saline.
"Les praticiens sont tenus d’informer les patientes"
Dans ce contexte, l’ANSM réunira les 7 et 8 février 2019 un comité d’experts chargé d’auditionner des patientes, des professionnels de santé et autres acteurs concernés pour bénéficier d’un éclairage global sur l’utilisation de ces implants. A l’issue de ces auditions et de l’avis du comité d’experts, une décision sera prise concernant "l’utilisation notamment des implants mammaires à enveloppe texturée, en chirurgie esthétique et reconstructrice", précise l’organisme.
En attendant, "les praticiens sont tenus d’informer les patientes au préalable de la pose d’implants mammaires des risques liés à l'acte chirurgical mais aussi sur l'implant lui-même, notamment les risques liés au LAGC", rappelle l’agence.