Le témoignage du Pr Bernard Begaud au procés du Mediator était très attendu. A la suite de cette affaire et de celle des pilules de nouvelles générations, ce pharmacologue a été chargé d'une mission visant à l’élaboration d’un système de pharmacosurveillance des prescriptions. « Il y a chaque année 18 000 morts directement liés à la prise de médicaments, a indiqué d'emblée le pharmacologue, responsable d'une unité Inserm. Et même si beaucoup de cas sont inévitables, un tiers de ces décès correspondent à des prescriptions qui ne sont pas justifiées », a-t-il rappelé devant le tribunal de Nanterre. C'est plus que le nombre de tués sur la route et suicides réunis.
Président de la commission nationale de pharmacovigilance de 1982 à 2000, le Pr Bégaud a par ailleurs souligné que « les alertes sur les effets indésirables d'un médicament proviennent à 85% des hôpitaux et seulement à 15% des médecins libéraux », car « ceux-ci sont mal formés en pharmacologie », a-t-il déploré.
Et le médecin de s'indigner en déclarant que « mourir pour un produit dont vous n'avez pas besoin est quelque chose de très grave». Le Mediator, était en effet à l'origine un antidiabétique, qui a été largement détourné comme coupe-faim et prescrit dans de nombreux cas à des patients qui souhaitaient uniquement perdre quelques kilos. Cinq millions de personnes en auraient consommé avant qu'il ne soit retiré du marché en 2009, accusé de provoquer des hypertensions artérielles pulmonaires, une pathologie incurable, et des valvulopathies (dysfonctionnement des valves cardiaques).
Le procès du Mediator visant Jacques Servier, 91 ans, le fondateur du groupe, et quatre cadres de chez Servier et Biopharma, l'une des filiales des laboratoires, devrait durer jusqu'au 14 juin. Les prévenus sont jugés pour « tromperie aggravée ».