« Il y a chaque année 18 000 morts directement liés à la prise de médicaments, a indiqué d'emblée le Pr Bernard Begaud au procés du Mediator. Chargé d'une mission visant à l’élaboration d’un système de pharmacosurveillance des prescriptions à la suite de cette affaire et de celle des pilules de nouvelles générations, le pharmacologue a émis plusieurs motifs pour expliquer ce chiffre qui interpelle.
Le Pr Bernard Begaud a tout d'abord expliqué que « si beaucoup de cas sont inévitables, un tiers de ces décès correspondent à des prescriptions qui ne sont pas justifiées ». Le responsable d'une unité Inserm a par ailleurs laissé entendre que les médecins français ne connaissaient pas assez les effets indésirables des médicaments. Et a rappelé que « les alertes sur les effets indésirables d'un médicament proviennent à 85% des hôpitaux et seulement à 15% des médecins libéraux », car « ceux-ci sont mal formés en pharmacologie », a-t-il déploré.
Une étude récente conduite auprès de 255 médecins exerçant à Vancouver, Montréal, Sacramento et Toulouse confirme le constat du Pr Bernard Begaud. Les auteurs de cette publication se sont penchés sur la qualité des informations délivrées par les visiteurs médicaux aux médecins. Elle fait un comparatif entre ces différentes villes.
En ce qui concerne la fréquence à laquelle sont mentionnés les effets secondaires, la France obtient le meilleur pourcentage. Mais cette fréquence n’est que de 61%, contre 39% pour Sacramento et 34% pour les villes canadiennes. Quant aux accidents sévères graves, pour ces villes, ils ne sont mentionnés que dans 5 à 6% des cas. Or, les médecins interrogés se déclarent prêts à prescrire dans 64% des cas. Des chiffres qui amènent les auteurs de l’étude à s'interroger: le patient est-il protégé de façon adéquate ?
Pour tenter d'améliorer le système, l'Organisation Mondiale de la Santé réclame une information plus objective de la part des visiteurs médicaux. D’après la charte de la visite médicale de 2004, les visiteurs médicaux ont en effet pour obligation d’ « assurer la connaissance du médecin », ce qui implique de les informer sur « tous les aspects réglementaires et pharmaco-thérapeutiques relatifs au médicament présenté », notamment « les effets indésirables ». Début avril, la Haute autorité de santé (Has) a mis en ligne la traduction d’un document émanant de l’OMS, intitulé « Comprendre la promotion pharmaceutique et y répondre ».
Le document y pointe, notamment, qu’« il y a souvent un manque d'équilibre au niveau de l'information fournie, l'accent étant davantage mis sur les soi-disant bénéfices du produit de l’entreprise que sur les risques potentiels associés à ce médicament. Les délégués médicaux peuvent omettre de mentionner les effets secondaires, les contre-indications et les interactions ».
La modernisation de la visite médicale fait par ailleurs partie de l’un des chantiers de réforme du Comité de déontovigilance du Leem, l’organisation professionnelle qui fédère les entreprises du médicament. Pour Pascal Le Guyader, directeur des affaires industrielles, sociales et de la formation du Leem, les chiffres qui ressortent de l’étude ne sont pas acceptables et « devraient être de 100% ». « Le médecin n’a pas à poser la question, c’est au visiteur médical de donner les effets secondaires ou indésirables », conclut-il.