"Profondément préoccupante", "choquante" et "monstrueuse". L’annonce de la naissance des premiers bébés génétiquement modifiés est loin d’être passée inaperçue. Pour une large partie de la communauté scientifique, le chercheur à l’origine du projet a franchi une ligne rouge éthique. He Jiankui est né en Chine et a été formé aux Etats-Unis. Pour la première fois depuis le début de la polémique, il s’est exprimé lors du sommet sur l’édition du génome à l’Université de Hong Kong ce mercredi.
Des bébés protégés du sida
Elles sont surnommées Lulu et Nana. Les deux jumelles sont nées il y a quelques semaines après une fécondation in vitro. L’embryon a été génétiquement modifié avant d’être implanté dans l’utérus de la mère. Pourquoi une telle modification ? Pour rendre les bébés résistants à la contamination au VIH, le père étant séropositif. He Jiankui, professeur d’université à Shenzhen, en Chine, précise avoir utilisé la technique des "ciseaux génétiques", dont le nom scientifique est CRISPR-Cas9.
Cette méthode, qui a déjà permis d’éliminer le virus du sida chez des animaux, consiste à enlever et remplacer des parties indésirables du génome. Lorsque les oeufs et le sperme ont été combinés, les scientifiques ont ajouté une protéine CRISPR afin de modifier le gène CCR5. La désactivation de ce gène aide à "fermer la porte" par laquelle le VIH peut entrer et infecter les cellules. À noter, tout de même, que les deux fillettes sont nées sans être infectées par le virus du sida.
Accueil glacial de la communauté scientifique
He Jiankui a tenu a exprimé sa fierté lors de son discours au sommet sur l’édition du génome à l’Université de Hong Kong et ce malgré l’accueil glacial de ses collègues scientifiques. Quelqu’un lui a demandé s’il aurait fait cette expérience risquée avec son propre enfant.
Sans hésitation, He Jiankui a répondu "oui" s’il avait été confronté à la même situation. Le scientifique en a profité pour lancer une bombe : il y aurait une seconde grossesse potentielle. Pour le moment, cette première médicale n’a pas encore été vérifiée de manière indépendante. Le travail du chercheur n’a pas été publié dans une revue scientifique. Une autoproclamation qui participe à la polémique.