Faut-il bannir les poêles à revêtement antiadhésif de nos cuisines ? A en croire la communauté scientifique, la question mérite d’être posée. Et pour cause : les substances chimiques de type perfluoroalkyles utilisées pour produire le Téflon de ces poêles ne serait pas sans danger pour notre santé.
Considérées comme des perturbateurs endocriniens, les composés perfluoroalkylés (PFC) auraient, selon des effets délétères sur le système reproducteur humain, et en particulier sur celui des hommes. Une nouvelle étude de l’Université de Padoue, en Italie, a mesuré l’impact de ces produits chimiques et constaté que les jeunes hommes ayant grandi dans une zone où l’eau potable est contaminée par des PFC ont un pénis plus petit que la moyenne et des spermatozoïdes moins mobiles que ceux ayant été exposés à de l’eau propre. Leurs résultats ont été publiés dans le Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism.
Un risque d’infertilité constaté
L’équipe du biologiste Andrea Di Nisio a mené une série d’expériences cellulaires en laboratoire pour étudier l’impact des deux FPC les plus courants, le PFOA (acide perfluorooctanoïque, interdit en France depuis 2015) et le PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) sur les hormones masculines. Ils se sont aperçus que ces deux composants avaient comme particularité de se lier facilement aux récepteurs de la testostérone et de bloquer leur activation.
"Cette étude montre que les PFC ont un impact substantiel sur la santé des hommes car ils interfèrent directement avec les voies hormonales menant potentiellement à l'infertilité masculine", écrivent les chercheurs. "Nous avons constaté qu'une augmentation des niveaux de PFC dans le plasma et le liquide séminal était en corrélation positive avec la testostérone avec une réduction de la qualité du sperme, du volume testiculaire, de la longueur du pénis, ainsi que de la DAG [distance anogénitale]". Une distance anogénitale raccourcie est un marqueur du développement anormal du tractus génital de l’homme, rappellent les auteurs de l’étude.
Un problème mondial de santé publique
Selon le Pr Di Nisio et son équipe, le problème de la contamination aux FPC n’est pas nouvelle, mais elle a pris une ampleur inquiétante dans certaines régions d’Italie, notamment la Vénétie, qui comprend la province de Padoue, et qui est connue par la communauté scientifique comme l’une des régions au monde les plus fortement polluées par les FPC. La région de Dortrecht aux Pays-Bas, le district de Shandong en Chine et la vallée du Mid-Ohio en Virginie Occidentale sont aussi concernés.
"Alors que le premier rapport sur la contamination de l'eau par les PFC remonte à 1977, l'ampleur du problème est alarmante, car il affecte toute une génération de jeunes, à partir de 1978", s’inquiètent les chercheurs.
Le problème est d’autant plus grave que certains PFC continuent aujourd’hui d'être disponibles dans le commerce. C’est le cas du PFOS, présent dans le revêtement antiadhésif des poêles, mais aussi, par exemple, dans les tissus des moquettes en raison de ses propriétés antitache et hydrofuge. Par ailleurs, les scientifiques estiment que ces produits chimiques extrêmement stables constituent une menace durable pour l’environnement puisqu’ils pourraient survivre à la vie humaine sur Terre.
Que faire alors, pour se prémunir de ces PFC pourtant présents dans bon nombre de nos objets quotidiens ? Interrogé par le site IFLScience, le Pr Di Nisio n’est guère optimiste. "Au moins ici en Italie, il est très difficile de savoir si un produit contient ou non ces substances chimiques. Hormis dans le cas des produits où il est explicitement indiqué 'sans PFOA', je ne me sens pas en sécurité de toute façon, car il ne constitue qu'un seul des centaines de composés de PFC possibles, et tous peuvent être dangereux… Difficile d'éviter tout contact avec un PFC", conclut-il.