Chez 10 à 20% des malades souffrant d’hypertension artérielle, il existe encore de nombreuses attentes vis-à-vis du traitement. L’HTA est une maladie qui toucherait un Français sur 3, or seul un malade sur 2 serait aux objectifs. Cette insuffisance de traitement est liée, soit aux chiffres tensionnels élevés, soit aux facteurs de risques associés qui rendent les objectifs plus stricts et donc plus difficiles à atteindre, soit à certaines populations de malades qui ont des mécanismes différents de régulation tensionnelle.
Ces 3 catégories définissent les « HTA difficiles à traiter » ou les « HTA résistantes » aux médicaments actuellement disponibles. Du fait de l’importance du nombre de mécanismes de régulation concernés au cours de l’HTA, il faudrait disposer d’autres médicaments ciblant d’autres voies que celles actuellement concernées.
Plusieurs types d’hypertendus
Tous les malades ne sont, en effet, pas égaux devant la maladie. Certains vont se contenter d’un seul médicament antihypertenseur pour être équilibrés. La majorité va cependant avoir besoin d’une « polythérapie », c’est-à-dire d’une combinaison de traitements. En effet, la régulation de la pression artérielle est complexe. Plusieurs systèmes sont en jeu, ceux qui régulent et ceux qui contre-régulent, or les traitements dont on dispose aujourd’hui ciblent au mieux une seule voie de régulation. De plus, on ne sait jamais à l’avance, laquelle de ces voies est particulièrement active chez un malade et elles peuvent évoluer au cours du temps.
Il est donc clair aujourd’hui que le nombre de médicaments nécessaires pour contrôler une hypertension est un marqueur de gravité d’une hypertension artérielle. Une personne qui a besoin de 3 médicaments pour contrôler son hypertension a plus de risque d’être malade de ses gros vaisseaux qu’une personne qui n’a besoin que d’un seul médicament. Elle aura également souvent d’autres facteurs de risque artériels associés comme un diabète ou une hypercholestérolémie, une obésité. Par ailleurs, certaines ethnies comme les personnes à peau noire, ont des voies de régulation différentes.
Recommandations de traitements
Quand on a besoin d’une trithérapie pour traiter une hypertension, le traitement doit comprendre un bloqueur du système rénine-angiotensine, un inhibiteur calcique et un diurétique thiazidique ou équivalent, hors intolérance ou contre-indication particulière à l’une des molécules de ces classes. Si déjà tout le monde appliquait ces recommandations, le contrôle tensionnel serait meilleur et on éviterait certaines erreurs de titration. Dans certains pays, on a mis à disposition ces trithérapie en un seul comprimé.
En cas d’échec à une trithérapie, il convient de se poser la question d’un mauvais suivi du traitement, et ce n’est pas toujours simple. Une fois que l’observance est validée, la deuxième question à se poser est celle de la réalité de ce mauvais contrôle tensionnel et cela passe à ce stade par des mesures ambulatoires obligatoires de la pression artérielle ou « holter tensionnel ». Ces mesures ambulatoires permettront de donner des informations sur la pression artérielle nocturne, car si la pression ne baisse pas la nuit (« non-diper »), cela orientera vers une pathologie du sommeil, comme une apnée du sommeil, ou une maladie endocrinienne à l’origine de l’HTA. Une fois ces 2 questions validées, on peut affirmer la résistance vraie de l’hypertension et elle concerne environ 20% des patients traités par trithérapie et il faudra en faire une exploration détaillée.
Un besoin de nouveaux médicaments
Ceci souligne la nécessité de développer de nouveaux anti-hypertenseurs afin de bloquer de nouvelles voies métaboliques impliquées dans le processus complexe de l’hypertension artérielle. Malgré tous les progrès réalisés, l’hypertension artérielle reste une maladie fréquente qui n’est pas bien contrôlée dans un cas sur 2. Le risque de lésions des artères et des organes du corps impose un contrôle plus strict des chiffres tensionnels.
Certaines hypertensions restent difficiles à traiter, voire franchement résistantes au traitement. Nous avons besoin de nouveaux traitements anti-hypertenseurs, par exemple ceux ciblant la régulation centrale de la pression artérielle, ou les voies de l’endothéline…, et donc avec un mécanisme d’action différent de ceux qui sont ciblés par les traitements actuels.
Affirmer aujourd’hui que le traitement de l’hypertension artérielle est un problème réglé est une erreur, une erreur que l’on risque de payer très cher dans 15 à 20 ans. Aujourd’hui, il nous reste un dernier pas à franchir et pour que la recherche se mette en place, il nous faut un signal fort pour développer d’autres médicaments que ceux actuellement disponibles et qui ont en moyenne plus de 20 ans d’âge.
Interview du Pr Jean-Jacques Mourad (CHU Avicenne, Bobigny)