Se lever tôt et se coucher tard, ne pas respecter ses besoins en matière de sommeil ou bien enchaîner plusieurs nuits blanches n’est pas seulement néfaste pour notre humeur et notre santé mentale. Notre organisme pâtit aussi de ce dérèglement de l’horloge interne. Soumis à rude épreuve, affaibli, ce dernier serait alors davantage prédisposé à développer certaines pathologies.
Voici la conclusion à laquelle sont parvenus des chercheurs de l’Université de Caroline du Sud (USC), aux États-Unis. Dans leurs travaux, publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences, ils expliquent avoir trouvé un nouveau mécanisme de chronométrage au sein des cellules hépatiques. Celles-ci, indispensables au bon fonctionnement de certains de nos organes, peuvent aussi contribuer au développement de maladies comme le diabète ou les cancers quand leur rythme naturel est perturbé.
"Les études épidémiologiques révèlent de plus en plus de liens entre les modes de vie modernes et notre horloge biologique interne, et lorsque ces deux facteurs s'opposent, cela peut mener au développement de maladies comme l'obésité et le cancer du sein", explique Steve Kay, directeur des biosciences convergentes et professeur principal en neurologie, génie biomédical et sciences biologiques au Michelson Center for Convergent Biosciences à l’USC. "Cette étude va au-delà de l'épidémiologie pour explorer les mécanismes de la perturbation circadienne comme facteur de risque pour certaines maladies."
Le rôle-clé du récepteur HNF4A
Les rythmes circadiens correspondent aux schémas comportementaux des êtres vivants qui suivent un cycle d’environ 24 heures. Notre cycle veille-sommeil est l’un des rythmes circadiens majeurs qui réagit à la lumière et à l'obscurité, au jour et à la nuit. La perturbation de ce cycle peut entraîner des problèmes de santé chez l'homme, c'est pourquoi les scientifiques étudient le comportement des cellules pour voir comment l'horloge interrompue peut causer des maladies - une étape importante vers des traitements médicaux ciblés.
La piste envisagée par les chercheurs de l’USC est celle de la protéine du récepteur nucléaire HNF4A, impliquée dans le développement embryonnaire du foie, des reins et de l’intestin. En examinant des cellules du foie et du côlon provenant de souris et d’humains, l’équipe scientifique a découvert que le récepteur nucléaire HNF4A est intimement lié à l’horloge circadienne de ces organes et qu’elle pouvait réprimer le fonctionnement des gènes CLOCK et BMAL1, qui agissent comme des rouages moléculaires clés déterminant les rythmes circadiens chez les mammifères.
Des mutations du HNF4A à l’origine de maladies
Présents dans le noyau cellulaire, les récepteurs nucléaires reçoivent des signaux chimiques de la cellule et s'associent à d'autres protéines pour libérer des gènes spécifiques qui régulent le développement cellulaire, l'homéostasie et le métabolisme. Les récepteurs agissent au carrefour des circuits cellulaires en intégrant l'information nécessaire au fonctionnement normal des cellules. D’après les chercheurs, les récepteurs nucléaires sont des cibles potentielles pour les médicaments destinés à combattre les maladies, notamment les troubles de la reproduction, l'inflammation, le cancer, le diabète, les maladies cardiovasculaires et l'obésité. Ils ont ainsi découvert pour la première fois que l'horloge circadienne module les cycles quotidiens des fonctions classiques du HNF4A comme récepteur nucléaire.
"À l'intérieur de la cellule, les rouages de l'horloge sont universels, mais les aiguilles de l'horloge sont spécifiques à chaque organe, de sorte que la façon dont l'horloge fonctionne dans chaque cellule est différente", explique Steve Kay. "Ainsi, dans le foie, nous avons examiné les protéines spécifiques des tissus et avons découvert que le HNF4A est lié à l'horloge circadienne, qu'il est régulé par l'horloge. C'est la nouvelle découverte et c'est un grand pas en avant."
Nos rythmes de vie contribuent à nous rendre malades
Le rôle du récepteur HNF4A est donc fondamental dans le règlement des cycles circadiens. Des mutations de ce gène sont par ailleurs "connues pour contribuer à une forme héréditaire rare de diabète appelée MODY1, et sa dérégulation d'expression a été étroitement liée au cancer du foie, deux mécanismes que nous ne comprenons pas totalement", reconnaît Meng Qu, chercheuse associée au Centre Michelson. "Notre découverte suggère que la perturbation de l'horloge pourrait être un mécanisme potentiel et fournir un pont entre la régulation circadienne et le développement de la maladie."
Pour le Dr Kay, ces nouveaux travaux permettront de "comprendre comment la perturbation de notre mode de vie circadien très évolué nous rend malades". "Les humains ne sont pas faits pour les quarts de nuit, les lumières nocturnes et les voyages intercontinentaux. Les défis de la vie moderne pour notre système circadien représentent une menace à long terme pour notre santé", conclut-il.