Le cancer du sein est à la fois le plus fréquent et le plus mortel chez la femme. Chaque année, en France, 59 000 nouveaux cas sont détectés et près de 12 000 femmes en décèdent. Pourtant, le cancer du sein peut être guéri dans plus de 9 cas sur 10 lorsqu'il est détecté tôt. D’où l’importance de se faire dépister tous les ans par palpation pour les femmes de plus de 25 ans et par mammographie, tous les deux ans, à partir de 50 ans.
Efficace pour détecter les cancers à un stade précoce et donc plus traitable, la mammographie peut aussi parfois, être complétée par une biopsie. Invasive et douloureuse, la biopsie n’est pas toujours pertinente : la recherche estime ainsi à 10% le nombre de biopsies réalisées suite à des résultats anormaux et qui se sont finalement révélés bénins.
"Le taux de rappel avec la mammographie est beaucoup plus élevé que l’idéal", reconnaît Karen Drukker, professeure agrégée de recherche au département de radiologie de l'Université de Chicago dans un communiqué. "Il y a des coûts et de l'anxiété associés aux rappels, et notre objectif est de réduire ces coûts mais de ne rien rater de ce qui devrait être biopsié."
L’utilisation du big data en renfort de la mammographie
Pour mieux dépister les cancers du sein de manière précoce sans réaliser de biopsie inutile, l’équipe dirigée par le Dr Drukker a planché sur une nouvelle technique d’imagerie. Appelée imagerie du sein à trois compartiments (3CB), elle permet de mesurer la composition des tissus en eau, en lipides et en protéines dans l’ensemble du sein, et ainsi de fournir la signature biologique de la tumeur. En effet, une plus grande quantité d’eau dans le tissu tumoral peut indiquer une angiogenèse, c’est-à-dire la formation de nouveaux vaisseaux sanguins, qui est l’un des signes précoces de développement des cancers.
Pour l’étude, les chercheurs ont réalisé des mammographies 3CB auprès de 109 femmes dont les seins étaient suspects ou très évocateurs d’une tumeur maligne et qui devraient, normalement, être biopsiés. Les biopsies réalisées par la suite ont montré que 35 des tumeurs étaient des cancers invasifs tandis que les 74 autres étaient bénignes.
Les images 3CB ont été analysées par équipe de l’Université de Chicago, qui a pour l’occasion bénéficié de la radiomique, c’est-à-dire d’algorithmes d'intelligence artificielle. Ces derniers sont en effet capables d’analyser les caractéristiques et les motifs d'images dont certains sont difficiles à percevoir à l’œil nu.
Des résultats très encourageants
Cette combinaison d’images 3CB et de radiomique a permis d’améliorer la capacité de prédire le cancer du sein, notamment en apportant une analyse détaillée de masses jugées suspectes par le radiologue. D’après les chercheurs, cette méthode combinée a amélioré la valeur prédictive positive de 32% pour la seule interprétation visuelle, et de près de 50%, avec une réduction de près de 36% des biopsies. La méthode 3CB-radiomique n’a pas détecté l’un des 35 cancers, avec un taux de sensibilté de 97%.
"Ces résultats sont très prometteurs", s’enthousiasme le Dr Drukker. "En combinant l'analyse d'images 3CB avec la radiomique, la réduction des rappels suite à une mammographie a été substantielle." Elle précise que cette nouvelle technique pourrait jouer un rôle important dans le diagnostic du cancer du sein et dans le dépistage et ce, en ajoutant "seulement une dose supplémentaire de rayonnement de 10%".
L’approche, encore expérimentale, demande encore des travaux supplémentaires avant de la rendre disponible aux patientes.