La célèbre Lucy a été détrônée. Plus de 20 ans après avoir découvert l’australopithèque Little Foot (Petit Pieds), le paléontologue sud-africain Ronald Clarke a enfin rendu ses premières conclusions sur le spécimen. Résultat des courses : l’australopithèque, femelle, serait âgée de 3,67 millions d'années, contre 3,3 millions pour Lucy.
En 1994, Ron Clarke découvre trois petits os de pied dans la grotte de Sterkfontein, près de Johannesburg en Afrique du Sud (d’où le surnom aujourd’hui donné à l’australopithèque). Trois ans plus tard, il réalise que ces os sont en fait reliés à la totalité d’un corps complètement enseveli dans une roche très dure. Little Foot serait donc probablement tombée dans une crevasse alors qu’elle tentait d’échapper à un prédateur ou un rival. Il semblerait qu’elle ait fait une chute d’au moins dix mètres et soit restée coincée dans la grotte jusqu’à sa mort.
Aujourd’hui, après 24 ans de travail méticuleux pendant lesquels Ron Clarke a patiemment retiré des centaines d’ossements de la roche et scanné les os en trois dimensions pour des analyses ultérieures plus approfondies, le squelette a été reconstitué à 95%. Incroyable quand on sait que celui de Lucy, découvert pour sa part en Ethiopie en 1974, a livré moins de 40% de ses secrets. Little Foot avait donc environ 30 ans quand elle est morte et mesurait 1,35 m. Elle faisait par ailleurs partie d’une espèce appelée Australopithecus prometheus, végétarienne, soit légèrement différente de celle de Lucy qui était Australopithecus afarensis et donc omnivore.
"Nos ancêtres se tenaient debout quand ils vivaient dans les arbres"
Grâce à son squelette quasiment complet, aujourd’hui exposé dans une salle protégée de l’université du Witwatersrand à Johannesburg, les scientifiques en savent désormais plus sur les membres des australopithèques ainsi que sur leur niveau d’évolution.
Ainsi, si Little Foot passait probablement beaucoup de temps dans les arbres afin de s’abriter de ses prédateurs, elle était bipède, quoiqu’avec des pieds légèrement différents des nôtres. Quant à ses bras, plus grands que ceux des humains actuels, ils étaient en revanche plus faibles. L’australopithèque présenterait d’ailleurs une blessure de jeunesse au niveau de l’avant-bras.
"Ce que Little Foot nous montre, c'est que l'image représentée dans nos livres de nos ancêtres marchant à quatre pattes puis se relevant progressivement est totalement fausse (…) Nos ancêtres se tenaient déjà debout lorsqu'ils vivaient dans les arbres et lorsqu'ils en sont descendus, ils marchaient debout", conclut donc Ron Clarke en présentant ses résultats sur un serveur de prépublication.
Conflits et controverses
Ces derniers étaient sensés être publiés début 2019 dans la revue Journal of Human Evolution mais en raison de conflits avec des collègues, Ron Clarke et ses collaborateurs ont préféré prendre les devants et publier les résultats sur le crâne, la motricité et la datation de Little foot dès maintenant.
En effet, comme on pouvait s’y attendre, l’australopithèque est au cœur de nombreuses controverses entre paléontologues. Cette semaine, dans un article parue dans l’American Journal of Physical Anthropology, Lee Berger, également de l’Université du Witwatersrand et John Hawks, de l’Université du Wisconsin de Madison, remettent en cause la dénomination A. prometheus ainsi que l’âge donné par Clarke à Little Foot. D’après eux, le crâne a été trop abîmé par le temps pour pouvoir être correctement daté.
Enfin, d’après William Kimbel, anthropologiste à l’Université de Tempe en Arizona, ces travaux sont "incomplets" et requièrent l’examen d’autres fossiles Australopithecus sud-africains afin de mieux pouvoir faire la distinction entre les différentes espèces.
Voir ci-dessous une vidéo dans laquelle Ron Clarke présente Little Foot :