La doyenne française est au coeur d’une polémique depuis le 29 décembre. Pour des chercheurs russes, Jeanne Calment n’aurait pas vécu 122 ans et 164 jours, comme l’atteste le record mondial enregistré au Guinness Book. Selon Nikolaï Zak et Valeri Novosselov, Yvonne, la fille de la doyenne, aurait pris l’identité de sa mère. Leurs conclusions sont publiées dans Research Gate.
Des données qui sèment le doute
Les deux chercheurs ont analysé les biographies, photos, interviews et autres documents disponibles sur Jeanne Calment. Plusieurs éléments mettent en doute, selon eux, la longévité de cette dernière. Ils présentent notamment une copie d’une carte d’identité, datée des années 1930, où il est inscrit qu’elle a les yeux noirs, fait 1,52 mètres et que son front est bas, ce qui ne correspondrait pas à ce qui a été constaté dans les derniers documents la concernant.
La taille enregistrée suscite des interrogations pour les scientifiques, ils ont retrouvé un document médical qui précise qu’à 114 ans, Jeanne Calment mesurait 150 centimètres. Pour eux, il est très peu probable qu’elle n’ait perdu que deux centimètres au cours de sa vie, car cela ne correspond pas aux moyennes constatées. Valeri Novosselov, directeur de la section gérontologique de la Société des naturalistes de Moscou, ajoute : "En tant que médecin, j’ai toujours eu des doutes sur son âge. L’état de ses muscles était différent de celui des autres doyens. Elle se tenait assise sans aucun soutien. Elle n’avait aucun signe de démence".
Une supercherie ?
Les chercheurs soupçonnent Yvonne Calment d’avoir pris l’identité de sa mère à sa mort en 1934. Pourtant, les documents officiels indiquent qu’en 1934, c’est Yvonne qui est décédée d’une pleurésie. Mais les scientifiques la soupçonnent d’avoir usurpé l’identité de la défunte pour éviter de payer des droits de succession. Dans un ouvrage cité par les auteurs, "L’assurance et ses secrets" publié en 1997, la théorie d’une usurpation d’identité avait déjà été soulevée.
Exhumer ou non les corps ?
La communauté scientifique a des réactions variées face à ces soupçons. Dans le Parisien, Jean-Marie Robine, démographe et gérontologue, affirme que cette étude est un "texte à charge qui n’examine jamais les faits en faveur de l’authenticité de la longévité de Madame Calment". Il avait pris part à la validation de l’âge de Jeanne Calment par le Guinness des records. "On n’a jamais autant fait pour prouver l’âge d’une personne, précise le spécialiste. On n’a jamais rien trouvé qui nous permettait d’émettre le moindre soupçon sur son âge".
Pour Nicolas Brouard, directeur de recherche à l’Institut national d‘études démographiques (INED), cette étude est une bonne chose : "c’est un très bon travail et un argument en faveur de l’exhumation des corps de Jeanne et Yvonne Calment". Mais Michel Allard, gérontologue, a déclaré à France Info, qu’une exhumation est très peu probable. "Il faudrait qu’un procureur de la République l’autorise ou la prescrive", souligne-t-il. La famille devrait aussi donner son accord, ce qui lui semble encore moins probable. Le test ADN serait pourtant l’une des seules manières de mettre fin à la polémique.