Aux États-Unis, les overdoses aux opioïdes sont devenus un véritable problème de santé publique. De plus en plus prescrits pour soulager les douleurs, et donc facilement accessibles, ces médicaments dérivés de la morphine font aussi des ravages chez les plus jeunes.
Selon une nouvelle étude publiée le 28 décembre 2018 dans le JAMA Network, 8 986 enfants et adolescents américains sont décédés entre 1999 et 2016 des suites d’une overdose d’opioïdes et de médicaments sur ordonnance, faisant ainsi bondir le taux de mortalité de 268,2% pour cette période.
7 décès sur 10 imputés à des médicaments délivrés sur ordonnance
Réalisés par l’école de médecine de l’Université de Yale, dans le Connecticut, ces résultats sont alarmants. Basés sur les données délivrées par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC), ils sont aussi les premiers à mesurer l’impact de la consommation de drogues sur les moins de 20 ans aux États-Unis.
Parmi les plus touchés par ces intoxications aux opioïdes, se trouvent les 15-19 ans. En l’espace de 15 ans, 7 921 adolescents ont perdu la vie suite à une overdose de drogue. Mais les jeunes enfants sont aussi touchés : 605 tout-petits âgés de 0 à 4 ans, 96 enfants de 5 à 9 ans et 364 âgés de 10 à 14 ans sont décédés entre 1999 et 2016.
Dans 73% des cas, les opioïdes sur ordonnances sont impliqués dans les décès, mais la plupart d'entre eux sont non-intentionnels (81%). Un total, 3 419 décès (38 %) sont survenus à la maison ou dans un autre cadre résidentiel, 5 537 décès (61,6%) sont survenus à l’extérieur d’un établissement médical. Seuls 939 (10,4%) enfants et adolescents sont morts en tant que patients hospitalisés et 2 510 (27,9%) sont décédés soit au service des urgences, dans un autre établissement de soins ambulatoires, soit étaient morts à leur arrivée.
Le fentanyl, un danger pour les enfants et les adolescents
Les auteurs de l’étude notent aussi l’évolution des origines ethniques et le genre des personnes victimes des opioïdes. La majorité des décès a d’abord concerné des hommes blancs non hispaniques, mais au fil du temps, les enfants noirs non hispaniques et les femmes se sont mis à représenter une proportion plus importante des décès. Les taux de mortalité annuels les plus élevés au cours des 18 années examinées dans l’étude concernent les adolescents âgés de 15 à 19 ans.
La nature des opioïdes impliqués est aussi analysée. Au total, l’héroïne étant impliquée dans près de 1 900 décès. Les taux de mortalité ont augmenté régulièrement jusqu'en 2008, année où, dans le but de réduire le nombre de décès d'adultes dus aux overdoses, de nouvelles limites ont été imposées.
Mais, à partir de 2013, le nombre de décès a de nouveau augmenté lorsque les patients se sont tournés vers des médicaments moins chers vendus au marché noir pour soulager leur douleur. Parmi les drogues responsables des décès, se trouve le fentanyl. Cet opioïde de synthèse, jusqu’à 100 fois plus puissant que l’héroïne, a saturé le marché et causé d’innombrables drames, en particulier chez les 15-19 ans. Depuis 1999, le nombre de décès causés par les opioïdes synthétiques comme le fentanyl a augmenté de 3 000%.
Pour les auteurs du rapport, il y a urgence à agir. "La sous-reconnaissance des risques que représentent les opioïdes illicites et sur ordonnance pour les enfants et les adolescents est reflétée dans les politiques et les pratiques en vigueur aux États-Unis aujourd'hui", déplorent-ils. "Parmi les centaines d'initiatives fédérales mises en place pour contenir la crise des opioïdes, presque toutes se concentrent sur les adultes."
Ils recommandent notamment aux autorités de limiter la quantité de médicaments sur ordonnance prescrite dans les familles et d’imposer aux laboratoires pharmaceutiques la mise en place d’emballages sécurisés, à l’épreuve des enfants. "Par exemple, le Suboxone (la combinaison de buprénorphine et de naloxone), un médicament utilisé pour traiter la dépendance aux opioïdes, et le Duragesic (patch transdermique de fentanyl) sont présentés dans des emballages en aluminium pouvant être facilement ouverts par un enfant", écrivent-ils. "Le Suboxone n'est plus vendu sous forme de comprimé en raison d'inquiétudes concernant les expositions pédiatriques, mais dans sa formulation actuelle, qui consiste en des sachets de couleurs vives, il représente toujours un danger pour les enfants."