Les témoignages de femmes ayant subi des violences gynécologiques et obstétricales sont-ils en passe d’être enfin entendus ? Alors que depuis 2014, de nombreuses femmes souhaitent faire connaître les maltraitances dont elles ont été victimes lors de leur suivi gynécologique et obstétrical, notamment via le hashtag #PayeTonUtérus ou au travers de témoignages compilés sur des blogs, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) a annoncé lors du congrès de la société savante qui se déroulait le 6 décembre dernier à Strasbourg que les pratiques entourant l’épisiotomie devaient changer.
Un fort retentissement physique et psychologique
Vécue par de nombreuses femmes comme un traumatisme, l’épisiotomie consiste en l’incision sur quelques centimètres des muscles superficiels du périnée pour aider l’enfant à naître.
Si le taux d’épisiotomies pratiquées varie énormément selon les maternités, de nombreuses voix se sont élevées ces dernières années pour dénoncer la trop grande systématisation de ce geste médical, pratiqué lors d’un accouchement sur cinq selon la dernière enquête nationale périnatale publiée en 2017. Selon un autre rapport, remis à Marlène Schiappa en juin 2018 par le Haut Conseil à l’Égalite entre les femmes et les hommes, une femme sur deux sur laquelle une épisiotomie a été réalisée déplore un manque ou l’absence totale d’explications sur le motif.
Ce que reconnaît aujourd’hui le CNGOF, qui affirme que ce taux d’épisiotomies pratiquées pourrait être réduit. "On sait aujourd’hui que cette pratique, qui a un fort retentissement physique et psychologique pour les femmes, sera inutile dans la plupart des naissances", affirme dans un article du Figaro le Pr Hervé Fernandez, chef de service de la maternité de Bicêtre (CHU Paris Sud), qui n’a pas participé à l’élaboration des recommandations.
D’ailleurs, la littérature scientifique au sujet de l’épisiotomie est formelle : en cas d’accouchement normal et spontané, et même si l’enfant se présente par le siège, l’épisiotomie n’offre aucun bénéfice pour prévenir une lésion du périnée. Cet acte chirurgical peut par ailleurs entraîner une augmentation de la douleur et de la durée de cicatrisation par rapport à une déchirure périnéale simple et compliquer la reprise de la vie sexuelle après l’accouchement.
L’épisiotomie peut être utile en cas d’utilisation d’instruments
Dans ses recommandations, le CNGOF ne retient qu’une situation justifiant le recours à l’épisiotomie : lorsque sont utilisés des instruments d’extraction comme la ventouse ou les forceps pendant l’accouchement. "L'extraction instrumentale, surtout avec un forceps, est associée à un risque de déchirure grave pouvant s'étendre jusqu'au sphincter anal. Or les études suggèrent, avec toutefois un niveau de preuve faible, que l'épisiotomie pourrait avoir une action préventive", détaille le Pr Xavier Fritel, gynécologue au CHU de Poitiers et co-auteur de ces recommandations.
Mais la pratique de l’épisiotomie dans cette situation ne doit en aucun cas devenir systématique. Le CNGOF insiste sur le fait que l’incision du périnée est "à considérer" par l’obstétricien, qui doit prendre en compte des facteurs de risque tels qu’un premier accouchement, la suspicion d’un enfant de poids important ou l’état clinique du périnée. "Dans certaines circonstances, l’accoucheur pourra être en faveur d’une épisiotomie parce qu’il fait prendre des risques à la femme en utilisant des instruments d’extraction", résume le Pr Fritel.
Mieux informer les femmes sur la possibilité d’une épisiotomie
La dernière recommandation du CNGOF est de mieux informer les femmes sur le possible recours à l’épisiotomie dans une situation d’urgence. Celle-ci peut en effet être nécessaire en cas de risque de déchirure périnéale concernant le sphincter. Celle-ci toucherait 1 à 5% des naissances et peut avoir de graves conséquences sur la santé des femmes. "Il n'existe à ce jour aucun modèle de prédiction du risque permettant de planifier une épisiotomie", rappelle le Pr Fernandez. "Elle se décidera toujours au dernier moment dans une certaine urgence". D’où la nécessité de mieux informer les femmes avant leur accouchement et de prendre en considération leurs attentes, notamment en leur faisant formuler un projet de naissance, mais aussi au moment d’entrer dans la salle de travail, en leur expliquant pourquoi ce geste est envisagé.