Près d’une personne âgée sur 3 a des douleurs à la marche en raison d’une atteinte dégénérative de la colonne vertébrale appelée « canal lombaire rétréci » ou « canal étroit ». Il s’agit d’une sténose du canal lombaire osseux qui contient les racines nerveuses. Cela se manifeste par des douleurs lombaires et sciatiques qui apparaissent à la marche et imposent l’arrêt, avec des risques de handicap et de chute.
Une étude scientifique démontre pour la première fois que le traitement médical est efficace et elle permet de pondérer l’effet thérapeutique de différents types de stratégies non-chirurgicales. Il apparaît ainsi que le traitement médical n’est pas un traitement au rabais et que l’intervention chirurgicale n’est pas obligatoire. Cette étude est publiée dans JAMA Open Network.
Une étude contrôlée
Les chercheurs de l’Université de Pittsburgh ont réparti, par tirage au sort entre 3 groupes de traitement, 259 malades souffrant d’un canal lombaire rétréci avec une preuve de sténose du canal (centrale ou latérale) en IRM et une manifestation clinique objective de canal étroit (sciatique à la marche avec soulagement en position assise ou penchée en avant).
Les 3 groupes comparés de traitement étaient un traitement par médicaments et/ou infiltrations épidurales, un traitement par rééducation en groupe et un traitement personnalisé de rééducation par étirements, mobilisation et renforcement musculaire.
Si les résultats sont comparables à 6 mois (50% des malades avec une amélioration d’au moins 30% de la distance de marche), c’est la rééducation qui donne les meilleurs résultats à 2 mois avec 60% des malades qui ont une amélioration d’au moins 30% du périmètre de marche.
Une chirurgie très fréquente
Le canal lombaire rétréci est la principale cause d’opération chirurgicale de la colonne vertébrale chez les personnes âgées avec des interventions parfois lourdes à la clé : ouverture du canal (laminectomie), arthrodèses par plaque avec greffes osseuses.
Les dépenses de santé consacrées à cette intervention n’ont pas cessé d’augmenter ces dernières années (+137% aux USA entre 1998 et 2008), avec un bénéfice clinique et fonctionnel qui reste néanmoins modeste et peu différencié selon les techniques : en moyenne, une réduction de 30% à 50% des douleurs lombaires et sciatiques et une augmentation de 30% du périmètre de marche (Försth, Ghogawala).
Une étude qui clarifie les traitements
En France, le traitement des lombalgies en rapport avec un canal lombaire rétréci fait appel au traitement médical en première intention et c’est uniquement en cas d’échec ou de résultat fonctionnel insuffisant que le traitement chirurgical est envisagé.
Cette étude valide donc cette stratégie puisque quelle que soit la technique non-chirurgicale choisie, près de 50% des malades ont une amélioration de leur distance de marche d’au moins 30%, un résultat proche de celui obtenu dans les études avec la chirurgie. Par contre, il est possible qu’il y ait une différence en termes de douleurs lombaires entre chirurgie et traitement médical. Si l’on regarde la comparaison entre les techniques, il apparaît que la rééducation avec étirement, mobilisation et renforcement musculaire est supérieure aux 2 autres techniques non-chirurgicales à 2 mois, même si cette différence s’estompe à 6 mois.
L’étude ne comparaît cependant pas les techniques non-chirurgicales avec les techniques chirurgicales et ce ne sont probablement pas les mêmes malades. D’autre part, elle ne comparait pas des stratégies de traitement associant différentes techniques non-chirurgicales, ce qui est actuellement réalisé en France.
En pratique
Cette étude, la première du genre, valide l’intérêt du traitement médical dans les douleurs et le handicap à la marche en rapport avec de l'arthrose de la colonne vertébrale et un canal lombaire rétréci chez les personnes âgées.
La chirurgie n’est donc absolument pas obligatoire, d’autant que le bénéfice sur la marche, le principal handicap dont se plaignent les malades, est assez proche avec les 2 types de traitement (même si les populations des malades opérés et de ceux qui ne sont pas opérés ne sont probablement pas superposables). Il faut donc peser avec soin les indications chirurgicales.
Il semble, par ailleurs, logique d’associer différentes techniques non-chirurgicales qui sont toutes efficaces dans le traitement des symptômes du canal lombaire étroit, d’autant qu’elles ont probablement un effet complémentaire, au moins dans le temps.
Ainsi, en cas de douleurs invalidantes et de troubles de la marche en rapport avec un canal lombaire rétréci, il n’est pas illégitime de proposer initialement des infiltrations épidurales afin de soulager rapidement les malades et de simplifier la réalisation rapide d’une rééducation basée sur des étirements et un renforcement musculaire en délordose lombaire. Dans la mesure où il s’agit d’une affection chronique, prendre ensuite le relais par des exercices physiques de groupe est sans doute une bonne méthode de consolidation du résultat fonctionnel obtenu.
En cas d’échec ou de résultat insuffisant ou de récidive rapide, la discussion d’une chirurgie sera alors d’autant plus légitime.