Si l’on sait depuis longtemps qu’avoir un régime alimentaire sain est très important pour éviter les crises cardiaques, la science va aujourd’hui plus loin en nous fournissant le nombre de morts par maladies cardiovasculaires directement dues à une mauvaise alimentation ces dernières années. D'après les recherches parues dans le the European Journal of Epidemiology et disponibles sur le site de la Martin Luther University Halle-Wittenberg (MLU), près d'un tiers de ces décès pourrait être évité avec une nourriture plus saine.
L’équipe constituée de chercheurs d’universités du monde entier a étudié des données collectées par le programme de recherche international Global Burden of Disease Study (GBD) de 1990 à 2016. Ils ont ainsi pu analyser la prévalence de maladies cardiovasculaires telles que les crises cardiaques et les attaques dans 51 pays dits "Européens". Etaient également inclus quelques Etats du Moyen-Orient et de l’Asie centrale tels que l’Arménie, l’Azerbaïdjan, Israël, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, la Turquie, le Turkménistan et l’Ouzbékistan.
Selon la consommation de nourriture et d’autres facteurs de risque dans chaque pays (obésité, pression sanguine élevée, manque d’exercice physique et cigarette), les chercheurs ont calculé le pourcentage de morts par maladies cardiovasculaires attribuable à un régime alimentaire déséquilibré, soit un manque de consommation de graines et de légumes et une surconsommation de sel.
Les hommes plus affectés que les femmes
Résultats : sur les 4,3 millions de décès par maladies cardiovasculaires ayant eu lieu en Europe en 2016, 2,1 millions sont liés à la nourriture. Dans le détail, dans l’Union Européenne (900 000 morts par maladies cardiovasculaires dus à un régime déséquilibré), 160 000 décès (soit 46% des morts par maladies cardiovasculaires) étaient associés à une mauvaise alimentation en Allemagne, 97 000 (41%) en Italie, 75 000 (41%) au Royaume-Uni et 67 000 (40%) en France.
Par ailleurs, la plus forte proportion de morts liés à l’alimentation chez les moins de 70 ans a été observée en Asie Centrale (42,5%). "Une consommation de plus en plus importante de produits à base de farine blanche faible en fibres a conduit à une augmentation des maladies cardiovasculaires ces dernières années. En Albanie, en Azerbaïdjan et en Ouzbékistan, le nombre de cas a plus de doublé au cours de la période étudiée", explique le Dr Toni Meier de la MLU qui a dirigé l’étude.
Au cours de leurs travaux, les chercheurs ont également pu observer des différences significatives en termes d’âges et de sexe. Ainsi, les hommes ont tendance à être affectés à un plus jeune âge alors que les femmes sont touchées à partir de 50 ans. En 2016, parmi les 601 000 personnes de moins de 70 ans mortes d’une maladie cardiovasculaire provoquée par une mauvaise alimentation dans le monde, 420 000 étaient des hommes et 181 000 des femmes.
La consommation d'alcool n'a pas été prise en compte dans cette étude
"Nous devons avoir un régime alimentaire équilibré, autrement les maladies cardiométaboliques seront la cause d’encore plus de morts qui auraient pu être évitées dans le futur", s’alarme le Professeur Stefan Lorkowski de l’Université de Jena, co-auteur de l’étude. "Nos découvertes sont très importantes et devraient être inclues dans le développement de stratégies de prévention de santé publique", poursuit-il.
"Il faut toutefois préciser que le facteur bien connu de l’alcool n’a pas été pris en considération dans notre étude. Dans les pays avec une forte consommation d’alcool, le degré de morts par maladies cardiovasculaires liées au régime alimentaire pourrait être encore plus élevé", nuance la nutritionniste Gabriele Stangl de MLU.
En effet, l’incidence de l’alcool sur les maladies cardiovasculaires est connue depuis longtemps. "La consommation d’alcool peut être mise en relation avec l’incidence des principales maladies cardiovasculaires : infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, myocardiopathie, troubles du rythme cardiaque et artérite des membres inférieurs, à travers l’analyse d’études prospectives (de suivi), préférables aux études cas-témoins", est-il ainsi écrit sur le site de l’Inserm.
Selon une étude parue en janvier 2017 dans le Journal of the American College of Cardiology, boire de l’alcool quotidiennement multiplie par 1,4 le risque de crise cardiaque, par 2 le risque de fibrillation auriculaire, et par 2,3 celui d’insuffisance cardiaque, soit des augmentations similaires à celles engendrées par le diabète ou l’obésité.