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Des chiffres inquiétants

Près de la moitié des médecins français sont en burn-out

Par Raphaëlle de Tappie

49% des médecins français souffriraient d’au moins un symptôme de burn-out. Les urgentistes (57%) et les jeunes (52%) seraient les plus vulnérables. 

Maridav/iStock

Ces dernières années, on a de plus en plus entendu parler du burn-out au travail. Epuisement émotionnel, déshumanisation ou encore perte de satisfaction professionnelle… aucun secteur d'activité ne semble épargné. Toutefois, certains sont plus exposés que d’autres et c’est, sans surprise, le cas des médecins. Chez eux, le brun-out est en moyenne deux à trois fois plus fréquent que dans les autres professions. En effet, d’après une étude parue le Journal of affective disorders, 49% des médecins souffrent d’au moins un symptôme de burn-out. Pour en arriver à cette alarmante conclusion, Guillaume Fond, psychiatre et chercheur à l'AP-HM de Marseille, a analysé des dizaines d’études incluant au total 15 000 médecins français.

Dans le détail, les urgentistes sont les plus vulnérables (57%) car directement exposés à des patients agressifs après des heures et des heures à attendre. Par ailleurs, le problème des déserts médicaux fait que de nombreuses personnes qui devraient être traitées par un généraliste se rendent aux urgences. Ainsi, "les urgentistes ont le sentiment que leur travail perd de son sens", explique Guillaume Fond. Dans la même logique, la réduction des budgets impartie aux hôpitaux et le manque de lits force les urgentistes à "passer beaucoup de temps à chercher des places libres dans les services, ce qui crée des tensions", poursuit-il. Enfin, leur mode de travail les contraignant à alterner sans cesse gardes de nuit et de jour "perturbe complètement leur rythme chronobiologique", ce qui accentue bien sûr leur épuisement.  

Après les urgentistes, les jeunes médecins sont les deuxièmes à être les plus vidés par leur travail. En effet, ils sont 52% à souffrir d’au moins un symptôme de burn-out, selon cette étude. Cela s’explique car, derniers arrivés dans leurs services, les internes se voient souvent confier les tâches les plus ingrates et les patients les plus difficiles. De même, leurs "aînés" les astreignent à des gardes bien plus fréquentes que les autres. Et, "moins expérimentés, ils sont en général plus stressés et dans l’incapacité de refuser les tâches qui leur sont confiées", déplore le Dr Fond.

Un taux de burn out aussi élevé qu’aux Etats-Unis

Par ailleurs, alors que de nombreux jeunes veulent devenir médecins pour se sentir utiles et accomplis, il arrive que la dureté de leur tache les pousse inconsciemment à dépersonnaliser les patients. "Quand un praticien se met à parler de l’appendicite de la chambre 14, ou à traiter les patients comme des dossiers, c’est bien souvent le signe qu’il a mis en place un mécanisme de défense qui a pour fonction de tenir à distance le malade et sa souffrance", remarque le Dr Fond.

Ainsi, le taux de burn-out des médecins français est le même que celui observé aux Etats-Unis où ,"les médecins sont pourtant beaucoup plus exposés à la violence des patients, notamment avec les armes à feu, et sous la menace permanente d'attaques en justice", commente le psychiatre. Cela prouve donc que "le système médical français, présenté à juste titre comme l’un des plus performants pour les patients, ne protège pas suffisamment les médecins".

Afin de changer la donne, Fond recommande donc d’instaurer un temps et un lieu de repos pendant les gardes et surtout de prendre en compte de l’épuisement et de la violence des échanges avec patients et collègues au quotidien dès l’internat. "On apprend le savoir-faire pendant l'internat, mais pas le savoir-être", regrette-il, rappelant que "le burn-out est une cause majeure d’arrêt de travail, mais également de dépression, d’addictions voire de suicide chez les médecins". 

Ce n'est pas la première fois qu'on alerte sur le mal-être des soignants au travail. Remarquant de nombreux burn-out chez les médecins, le conseil de l’Ordre des médecins, la Caisse autonome de retraite de la profession (CARMF) et le Centre national de gestion ont récemment mis en place un numéro d'appel gratuit pour que les praticiens épuisés puissent se confier. Il semblerait que les résultat de cette initiative se fassent attendre...