"Je ne crois pas que le vin soit un alcool comme les autres", a estimé Didier Guillaume mercredi matin sur BFMTV, se positionnant à l'opposé de la ministre de la Santé Agnès Buzyn qui affirmait en février 2018 que "le vin est un alcool comme un autre" et qu'"en termes de santé publique, c'est exactement la même chose de boire du vin, de la bière, de la vodka, du whisky, il y a zéro différence."
Même s'il concède que "l'addiction à l'alcool est dramatique", notre ministre de l'Agriculture semble persuadé que l'excès d'alcool ne concerne que les jeunes et que ces derniers consomment uniquement de l'alcool fort. "Je n'ai jamais vu (...) un jeune qui sort d'une boîte de nuit et qui est saoul parce qu'il a bu du côtes-du-rhône, du crozes-hermitage, du bordeaux ou des costières-de-nîmes", a-t-il déclaré. "Ils boivent d'autres (alcools), des mélanges, des mix, de l'alcool fort." Selon lui, "il faut éduquer à boire un verre de vin pour savoir ce que c'est", notamment parce que "la viticulture est un élément économique fort et d'aménagement de notre pays".
Un discours qui rejoint celui de notre actuel ministre de l'Intérieur Christophe Castaner qui estimait en février 2018, "qu’il y a de l’alcool dans le vin, mais (que) c’est un alcool qui n’est pas fort et qui du coup fait partie de notre tradition, de notre culture, de notre identité nationale, il n’est pas notre ennemi, mais l’alcoolisme est toujours notre ennemi". Mais cette tradition est-elle vraiment sans risque ?
18% des décès dus à l'alcool concernent les 35 - 64 ans
Que disent la littérature scientifique, les données médicales et les associations ? Tous s'accordent à dire qu'en effet, les jeunes ont tendance à ne boire que le week end, souvent de façon excessive mais qu'avec l'âge, les Français adoptent une consommation plus légère mais quotidienne.
Selon un rapport publié dans l'European journal of public health en 2014 sur les conséquences de l'alcool en France, 49 000 décès seraient chaque année imputables à l'alcool : 36 500 décès chez l'homme et de 12 500 décès chez la femme. Précisément, "l'alcool est une cause importante de mortalité prématurée, puisqu'il est responsable de 22% des décès entre 15 et 34 ans, 18% des décès entre 35 et 64 ans et 7% des décès à partir de 65 ans. Les décès attribuables à l'alcool sont surtout des cancers (15 000 décès) et des maladies cardio-vasculaires (12 000 décès)", détaillait à l'époque la chercheuse Catherine Hill, de l’institut Gustave-Roussy. Les plus de 35 ans sont donc également concernés par l'abus d'alcool, même si la répartition des doses consommées se fait de façon plus "classe" ou plus "pro" que les jeunes. Mais sont-ils moins à risque s'ils consomment "du côtes-du-rhône, du crozes-hermitage, du bordeaux ou des costières-de-nîmes" plutôt que des alcools dits "forts"?
La quantité l'emporte sur la qualité
Selon Santé Publique France, "un demi de bière, un ballon de vin rouge, une coupe de champagne ou encore une dose de whisky (un baby) ou de pastis, vous consommez pratiquement la même quantité d'alcool pur : c'est ce qu'on appelle une unité d'alcool". En effet, "la taille et la forme traditionnelle des verres sont adaptées à la densité en alcool des différentes boissons alcoolisées : une chope de bière est plus grande qu’un ballon de vin, lui-même plus grand qu’un verre de digestif".
En outre, ce n'est pas tant le type d'alcool qui compte, mais la quantité consommée. En effet, boire un verre de vin de 10 cl équivaut à avaler un verre de whisky de 3 cl. A ce titre, le vin est un alcool comme les autres, même s'il est entouré d'un voile de prestige et que son industrie est parmi les plus lucratives de France.
Une immense étude financée par la Fondation Bill & Melinda Gates, menée par les chercheurs de 195 pays et publiée dans The Lancet en août 2018, confirme qu'"en 2016, la consommation d’alcool a conduit à 2,8 millions de morts et a été le principal facteur de risque pour la mortalité prématurée et le handicap parmi les personnes âgées de 15 à 49 ans". Plus précisément, les chercheurs ont démontré que les personnes âgées de 15 à 95 ans qui boivent un verre d’alcool par jour augmentent leur risque de développer l’une des 23 maladies recensées par les chercheurs (cancers, cirrhose...) de 0,5%. On parle ici de verres d’un volume correspondant à une unité d’alcool comme exposé ci-dessus.
Selon Catherine Hill, en France, la consommation moyenne d'alcool est de 2,7 verres par jour et par personne. Même divisé de moitié, soit un verre-et-demi quotidien, la dose reste "néfaste" pour la santé et entraîne "1100 morts". Même si les Français boivent moins qu'il y a 50 ans, la chercheuse est formelle : ils "boivent trop", qu'importe l'âge ou l'alcool consommé.
Apprenez à calculer votre consommation
Pour connaître, de façon très précise, le nombre d’unités d’alcool d'une boisson alcoolisée, il suffit de multiplier le volume en cl par le degré d’alcool et par 8, puis de diviser par 1000. "Il y a la même quantité d’alcool dans un verre de whisky et dans un verre de bière, explique l'Inpes. Le pastis n’est pas moins alcoolisé avec beaucoup d’eau. Le fait d’ajouter de l’eau ne change pas la quantité d’alcool qui est contenue dans le verre, cela ne fait que diluer le goût et l’alcool".