C’est bien connu, l’exercice physique c’est bon pour la santé. Et même dans le cas d’un cancer du sein, nous assure le professeur de cancérologie au CHU de Lyon Gilles Freyer, interviewé à l’occasion du Congrès de San Antonio (Texas, Etats-Unis) sur le cancer du sein qui s'est tenu au mois de décembre.
"On a une certitude, l’exercice physique adapté, doux, prolongé, de trois heures par semaine comme la marche rapide ou la piscine, diminue dans la population générale les accidents cardiovasculaires. Or nous savons qu’après une chimiothérapie adjuvante pour un cancer du sein, il y a une augmentation des facteurs de risques cardiovasculaires. C’est donc tout à fait conseillé dans ce cadre avec l’accord du cardiologue qui s’est occupé de la patiente", certifie le médecin.
Mais si les bienfaits du sport sur les maladies cardiovasculaires sont prouvés par la science depuis longtemps, peut-on vraiment attendre un effet spécifique de l’exercice physique sur la tumeur résiduelle dans le cas d’un cancer du sein ? "Il y a des preuves biologiques, des réductions de marqueurs de l’inflammation, plein de choses qui suggèrent que l’exercice physique auraient un effet anti-cancéreux", assure Gilles Freyer.
Des données biaisées
Toutefois, "ici à San Antonio, des études ont regardé d’autre critères comme l’amélioration de la capacité respiratoire par exemple, parce que ça se mesure vite, alors que les chances de guérison, le risque de récidive, se mesurent sur cinq ans, dix ans… ", nuance-t-il. Et d’admettre : "Toutes les données que nous avons là-dessus sont biaisées. Les femmes qui ont été opérées après chimio et qui font des exercices réguliers rechutent moins mais le biais c’est que les femmes qui font de l’exercice physique sont celles qui vont mieux. Il y a donc là un facteur de confusion".
Quoi qu’il en soit, le spécialiste prescrit toujours du sport à ses patientes, en leur disant : "je le prescris car c’est bon pour votre santé c’est certain et peut-être que vous aurez ce petit plus là". Quant à recommander à une femme épuisée par les effets secondaires de son traitement de faire de l’exercice, "un des facteurs de l’épuisement après le traitement c’est le repos", explique Gilles Freyer. "C’est le déconditionnement à l’effort. On s’est trop reposé parce qu’on est fatigué par les traitements etc, les muscles ont tendance à fondre, on perd trop vite l’habitude de l’effort (…) plus on se repose plus on est fatigué. Le déconditionnement à l’effort ne se traite pas par le repos mais par l’activité, une activité progressive pour atteindre si possible trois heures par semaine", développe-t-il
Par ailleurs, "les personnes à risques sont les sédentaires, déjà en surpoids, qui ont probablement déjà des problèmes cardiovasculaires", rappelle-t-il. Toutefois, "fondamentalement, les personnes qui n’ont pas la culture de l’exercice physique vont avoir beaucoup de mal à s’y mettre (...) Il est difficile de s’assurer de l’observance, c’est à dire que ce que l’on ait dit se fasse réellement", admet-il.
L’Inca aussi recommande l’activité physique aux malades de cancers
En France, "la prescription d’activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical dans le cadre du parcours de soins des patients atteints d’une affection longue durée (ALD) est inscrite dans la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016", est-il écrit sur le site de l’Institut National du Cancer (Inca).
"Les patients atteints de cancer voient s’altérer leurs capacités cardiorespiratoires et musculaires. Ce déconditionnement physique peut aboutir à un état d’intolérance à l’exercice, ayant pour conséquences une diminution de l’autonomie, de la qualité de vie, de l’estime de soi, accompagnée d’une augmentation des manifestations physiques et psychologiques de la fatigue. De nombreuses études mettent en avant l’intérêt de l’exercice physique en prévention tertiaire. Sur la base du rapport "Bénéfices de l’activité physique pendant et après un cancer", publié en 2017, l’Institut préconise l’intégration de la pratique physique dans le panier de soins oncologiques de support", précise l’Inca appelant les professionnels de la santé à, comme Gilles Freyer, lutter contre la sédentarité du patient dès son diagnostic.
Rappelons qu’une activité physique régulière peut aider à la prévention ou à la correction d’un déconditionnement physique comme mentionné si dessus, au maintien de l’organisme, à la réduction de la fatigue liée aux cancers et à l’amélioration globale de la qualité de vie. Cela permettrait également aux malades de mieux tolérer leurs traitements et effets secondaires à moyen et long terme. Enfin, autre avantage et pas des moindres soulignés par l’Inca, le sport réduirait le risque de récidive du cancer.