Souffrant d’agénésie transverse des membres supérieurs (ATMS), trois petites filles sont nées sans bras en juin, août et novembre 2016 dans les Bouches-du-Rhône, selon Le Parisien. Ces malformations, normalement rarissimes, ont été répertoriées dans un rayon de 30 km autour de Vitrolles (Salon-de-Provence, Septèmes-les-Vallons et Gignac-la-Nerthe). Des situations similaires ont déjà été recensées dans l’Ain, le Morbihan et la Loire-Atlantique.
Un rayon de 30 km
"La science estime qu’une ATMS (agénésie transverse des membres supérieurs) se produit lors d’une naissance sur 10 000. Il y a 27 000 naissances par an dans les Bouches-du-Rhône, donc avec trois agénésies par an, on est déjà au-dessus du nombre total attendu. Mais, en plus, là elles se produisent dans un rayon de 30 km. C’est une affaire très sérieuse", estime Emmanuelle Amar, première scientifique à avoir révélé un taux anormalement élevé de bébés nés sans bras dans l’Ain, grâce à une enquête du Registre d’étude des malformations en Rhône-Alpes (Remera) dont elle est la directrice.
Malgré des faits plus qu’alarmants, deux éléments empêchent pour le moment d’évoquer un scandale sanitaire. D’abord, les experts n’ont pas associé ces taux de malformations anormaux à une cause précise, même si la pollution environnementale est fortement suspectée. Concernant les Bouches-du-Rhône par exemple, "j’ai regardé les dossiers. Effectivement, les cas apparaissent autour de l’Etang de Berre, dans une zone qui est connue pour être très polluée, avec des risques pour la santé. Cela mérite une enquête plus approfondie pour comprendre ce qui s’est passé", analyse le Dr Annie Lévy-Mozziconacci, généticienne, responsable du centre de médecine fœtale de l’hôpital-Nord et conseillère municipale PS à Marseille. Dans l’Ain, les parents des enfants handicapés vivent dans des zones agricoles lourdement traitées aux pesticides.
Pas de recensement national
Ensuite, il n’existe pas de recensement national des agénésies transverses des membres supérieurs (ATMS), ce qui empêche de mesurer l’ampleur du problème. "A l'heure actuelle, on ne peut pas statuer d'un excès de cas parce qu'on ne dispose pas des données de naissances avec malformations dans les Bouches-du-Rhône", se désole Emmanuelle Amar. "Ce qu'on peut dire c'est que ce regroupement dans le temps et l'espace interroge et qu'il faut à tout prix pousser les investigations", conclut-elle.
Une enquête nationale a ainsi été initiée par les autorités sanitaires, dont les premières conclusions doivent être rendues publiques fin janvier. Mais les subventions publiques accordées à Remera, qui travaille sur cette question depuis 45 ans, ont été coupées cet été. "Les conséquences sont très simples, c’est la fin de la surveillance des malformations, c’est-à-dire clairement la fin de l’alerte aussi", s’insurge Emmanuelle Amar. La région, elle, répond simplement que cela ne fait plus partie de ses attributions. L’Inserm justifie l’abandon des subventions en affirmant que "l’apport du registre pour la recherche est très faible". Un commentaire qui jette le trouble puisqu’il y a deux ans, l’ex-ministre de la Santé Marisol Touraine vantait le travail du Remera.
Agénésie ou amputation congénitale
Chaque année en France, des enfants naissent avec une malformation d’un ou plusieurs membres supérieurs ou inférieurs : bras, avant-bras, main, pied, tibia, péroné, etc. On parle alors "d'agénésie ou amputation congénitale", correspondant à l'absence de formation d'un membre au cours du développement embryonnaire, et de "dysmélie", qui veut dire une malformation d'un ou plusieurs membres.