C’est un thème qui a émergé spontanément lors du grand débat : la fermeture des maternités dans les zones rurales. Une inquiétude confirmée par la nouvelle étude de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) : 968 000 personnes (dont 167 000 femmes en âge de procréer) habitent à 45 minutes de la maternité la plus proche.
Près de 8,3 millions de personnes (dont 1,6 million de femmes âgées de 15 à 49 ans) résident dans une commune sous-dense en sages-femmes, ce qui concerne environ 13 000 communes. Au total, 1,5% de la population rencontre ces deux difficultés, et cette proportion s’élève à 5,4% de la population en retenant le seuil à 30 minutes.
Les communes hors aire urbaine
"Le cumul concerne majoritairement les communes hors aire urbaine, qui rassemblent, à elles seules, 55% des personnes rencontrant une faible accessibilité aux sages-femmes et un éloignement des maternités", précisent les experts statistiques. En considérant le seuil à 30 minutes, le champ des communes présentant cette double difficulté s’élargit aux communes rurales de la couronne des grands pôles, qui rassemblent 18,7% de la population avec une faible accessibilité aux sages-femmes et aux maternités (35,7% pour les communes hors aire urbaine).
Paradoxalement, le nombre de sages-femmes a augmenté de 3% par an entre 1999 et 2017, soit "plus vite que l'ensemble de la population". Mais le nombre de maternité, passant de plus de 800 à moins de 500, a diminué de près de 40% en métropole entre 1996 et 2016.
Difficultés de suivi de grossesse
Plus globalement, l’étude porte sur l’accès aux professionnels de premier recours, qui englobent les médecins généralistes, les masseurs-kinésithérapeutes et les infirmiers, professionnels souvent consultés de façon concomitante, puis sur l’accès aux sages-femmes et aux maternités. "Le cumul d’une faible accessibilité aux unes et d’un éloignement aux autres peut en effet entraîner des difficultés de suivi de grossesse", indique la Drees.
Au total, plus de 7 habitants sur 10 n’ont aucune difficulté d’accès à des professionnels de premier recours (médecins généralistes, masseurs-kinésithérapeutes et infirmiers) mais 4,5% de la population réside dans une commune sous-dense pour ces trois professions à la fois. Ces communes ont la particularité d’être de petite taille en moyenne (504 habitants) et de présenter des niveaux d’accessibilité moyens aux trois professions particulièrement bas.
Accroissement des inégalités
Alors que plus de 42% de la population habitent dans un grand pôle, ce n’est le cas que de 3,3% de la population ayant des difficultés d’accès aux médecins généralistes, aux infirmiers et aux masseurs-kinésithérapeutes. À l’inverse, les habitants des communes éloignées des centres urbains (couronne rurale des grands pôles, couronne des petits et moyens pôles et communes hors aire urbaine) sont surreprésentés parmi les communes sous-denses pour ces trois professions.
Les dernières données du CNOM révèlent aussi un accroissement des inégalités en termes de densité médicale. Les départements les moins bien pourvus comptent en effet désormais 1,6 fois moins de généralistes que les mieux lotis, contre 1,4 fois moins en 2010. L’écart s'avère encore plus important pour différentes autres professions, avec par exemple 2,6 fois moins d'ophtalmologues, 2,7 fois moins de psychiatres et 3,6 fois moins de dermatologues dans les zones les plus sous-dotées.
"Remise en question du pacte Républicain"
"Alors que les inégalités entre départements favorisés et défavorisés en termes de démographie médicale se creusent, l’on constate que les fragilités dans l’accès aux soins sont souvent cumulées à d’autres facteurs de fragilité territoriale. Cela contribue à la remise en question du pacte Républicain, dont la santé pour tous est un pilier", estime en conséquence l’ordre des médecins.