Pour Sassi Ayeb, il y a un avant et un après 21 novembre 2016. Ce jour-là, cet Azuréen de 57 ans travaillant comme conducteur de travaux est entré à la Clinique Saint-Antoine de Nice pour un contrôle de la prostate. Il ne se doutait alors pas que commençait le début de son calvaire.
Comme le rapporte Nice-Matin, trois jours après s’être rendue à la clinique, Sassi Hayeb est pris d’une forte fièvre qui le contraint à se rendre à l’Archet 2, un autre hôpital de la ville. Après avoir été examiné, le diagnostic tombe : il est porteur de la bactérie klebsiella pneumoniae. Cette antérobactérie multirésistante peut être à l’origine de maladies nosocomiales telles que des cystites, des pneumopathies et des septicémies. Huit mois plus tard, en juillet 2017, Sassi Hayeb a dû être amputé des deux jambes et des doigts. "Chaque minute, chaque seconde, je sens mes pieds comme s’ils étaient toujours là et puis je me souviens que je ne les ai plus. Je ne dors plus, je ne respire presque plus…", explique-t-il au quotidien.
Une expertise médicale en attente
Comment Sassi Hayeb a-t-il pu contracter une telle infection pendant un examen de la prostate ? Pour le moment, il n’a pas encore la réponse. En octobre dernier, avec l’aide d’un avocat, le quinquagénaire a assigné la clinique Saint-Antoine en référé devant le tribunal de grande instance de Nice. L’établissement de soins a été condamné à lui verser 57 000 euros… Provision qui ne lui a pour le moment pas été allouée même si la clinique promet qu’elle est "sur le point d’être réglée". "Cette ordonnance doit être exécutée immédiatement (...) La clinique Saint-Antoine traîne des pieds pour payer. Tout le monde se renvoie la balle (...) On se joue de nous, c'est inhumain", s’indigne Me Pierre Chami dans les colonnes du quotidien.
Sassi Hayeb ne souhaite d’ailleurs pas en rester là. Son combat est désormais que l’établissement soit jugé sur le fond. Interrogée par Nice-Matin, la clinique Saint-Antoine, elle, remet en cause sa responsabilité en indiquant détenir "une certification A par la haute autorité de santé et un score Icalin de 100 % [qui] évalue les moyens mis en œuvre pour prévenir les infections nosocomiales". La direction précise encore que seule l'"expertise médicale [demandée] dans le cadre d’un recours juridique pourrait statuer sur les causes réelles de l’infection de ce patient".
En attendant cette expertise et le versement de l’allocation, Sassi Hayeb est toujours sans emploi et sans ressource, conclut Nice-Matin.
Infection nosocomiale : comment obtenir réparation ?
Aujourd’hui, les jurisprudences judiciaires et administratives facilitent l’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales : ce ne sont plus à elles d’établir la preuve d’une faute de l’établissement ou du professionnel de santé.
Dès lors que la preuve d’une infection nosocomiale est rapportée, la responsabilité de l’établissement de santé est engagée et ce dernier ne peut pas s’en exonérer même s’il prouve qu’il n’a pas commis de faute. À une exception près, nous précisait en juin dernier Me Julé-Parade, avocat spécialisé dans l’aide aux victimes de dommages corporels : "en cas de force majeure, c’est-à-dire due à une cause étrangère, qui est extérieure, imprévisible et irrésistible. Dans les faits, cela est difficile à rapporter. En cas de cause extérieure par exemple, il lui faudra prouver que toute personne étant porteuse de germes, le patient s’est auto-contaminé". Le débat peut aussi porter sur la date de contamination. "Si l’infection se déclenche dans les 48 heures qui suivent le début de l’hospitalisation, on va considérer que la contamination a bien eu lieu sur le site hospitalier."
Afin d’espérer une indemnisation, il convient ensuite de suivre une procédure stricte. "La première chose à faire est de demander une copie de son dossier médical intégral", explique Me Julé-Parade. "Cela comprend les comptes-rendus d’hospitalisation, opératoires, d’examens, ainsi que l’ensemble des fiches de suivi. C’est très important car c’est par rapport aux prélèvements biologiques, ou encore par rapport à la courbe de température que l’on va pouvoir fixer une date de contamination."
La deuxième étape consiste à se rapprocher d’une association ou d’un avocat qui pourra aider le patient à s’orienter dans ses démarches. "Il faut ensuite tenter d’obtenir réparation : cela va passer par une expertise. Un expert va devoir se prononcer sur la date et l’origine de l’infection nosocomiale, ainsi que sur ses conséquences. À partir de tous ces éléments, va s’imposer au centre de soins une obligation indemnitaire ou non."