C’est une histoire qui évoque la science fiction. Deux soeurs siamoises, nées reliées par la tête, et partageant initialement le même cerveau, ont été séparées avec succès. Un an et demie après l’opération, le New England Journal of Medicine rapporte qu’Erin et Abby Delaney vont bien, dépassant même toutes les attentes.
"Erin rampe partout et profite de sa liberté retrouvée..." raconte leur maman, et "sa sœur Abby commence à s'asseoir toute seule. Nous sommes si reconnaissants, nous nous sentons si bénis d'être leurs parents et de les voir grandir et s'épanouir".
Leurs tissus cérébraux avaient complétement fusionné
Pourtant, l’avenir de ces siamoises craniopagus était sombre à leur naissance. La séparation était notamment compliquée par le fait que leurs tissus cérébraux avaient complétement fusionné pendant la grossesse. Ainsi, les sœurs avaient en commun le sinus sagittal supérieur, c’est-à-dire le gros vaisseau qui transporte le sang du cerveau vers cœur. Avant l’opération, les médecins ont donc d’abord commencé à séparer leur cerveau progressivement, les éloignant l’un de l’autre, millimètre par millimètre, grâce à de nouvelles technologies médicales complexes.
"Les nourrissons atteints de cette malformation guérissent plus vite si ils sont jeunes au moment de la séparation, en raison de la plasticité et des pouvoirs régénérateurs du jeune cerveau", explique le neurochirurgien Gregory Heuer, qui a dirigé l’opération avec Jesse Taylor et une équipe multidisciplinaire de 30 personnes. "Cependant, nous devions équilibrer cet avantage par rapport aux risques d'une chirurgie majeure chez les nourrissons, surtout dans un état aussi complexe et extrêmement rare", raconte-t-il.
Les petites filles se rétablissent
En juin 2017, les médecins décident de passer à l’acte. Les petites ont 10 mois, et leur chirurgie durera 11 heures, faisant la une des médias dans le monde entier. L'équipe a notamment utilisé un système de navigation assisté par ordinateur pour cartographier les vaisseaux sanguins interconnectés, en particulier le sinus sagittal, qui a dû être soigneusement divisé pour qu’une partie aille à chaque enfant. "Après cette chirurgie longue et compliquée, ces petites filles se rétablissent, se développent et grandissent. Nous sommes honorés d'avoir contribué à la réalisation de ce projet", se félicite Jesse Taylor, même si un suivi médical lourd est toujours nécessaire.
Aujourd’hui agées de deux ans et demi, les siamoises auront besoin d'un implant synthétique à l'âge de quatre ou cinq ans pour couvrir les ouvertures du crâne qu'a exigé la chirurgie de séparation. Les cas de jumeaux craniopagus sont extrèmement rares, se produisant environ six fois sur 10 millions de naissances.