10 000. C’est le nombre de médecins libéraux franciliens qui seront en âge de partir à la retraite d’ici 5 ans, selon les derniers chiffres de l’ARS. Les effectifs actuels diminueront alors de moitié, laissant 12 millions de patients sans praticien. Depuis quatre ans, cette dynamique implacable se fait déjà sentir.
Pas de médecin traitant
"Il y a des gens qui pleurent au téléphone car ils ne trouvent pas de médecin traitant", raconte au Parisien Jacques Buvry, médecin généraliste installé à Cergy (Val-d’Oise) depuis trente-huit ans. "Il y a vingt ans, nous étions environ 120 généralistes dans le bassin de Cergy-Pontoise, se souvient-il. Maintenant, c’est à peine si nous sommes 90. Le problème ne date pas d’hier, mais depuis trois, quatre ans, ça devient critique", explique-t-il.
76% de la population d’Ile-de-France habite désormais une zone où l’offre de soins n’est pas satisfaisante. "En l’espace de quelques années, dans le domaine de l’accès aux soins, l’Ile-de-France est passée du statut de région privilégiée et richement dotée, à celui de région rassemblant le plus grand nombre d’habitants confrontés à des difficultés d’accès aux soins, en particulier en médecine générale", indique le rapport.
Le prix de l’immobilier
Dans ce cas précis, ce n’est pas, comme dans les autres déserts médicaux, les conditions de vie qui rebutent les nouveaux médecins, mais le prix de l’immobilier, devenu inaccessible. "Aujourd’hui, lorsqu’un médecin part en retraite, les murs de son cabinet ont pris une telle valeur qu’un professionnel en début de carrière n’a pas les moyens de les racheter", analyse Bruno Silberman, radiologue et président de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS).
L’ARS et l’URPS ont donc commencé à développer des aides financières conséquentes pour encourager l’établissement de cabinets médicaux regroupant plusieurs médecins. Depuis 2010, le nombre de médecins en activité régulière a diminué de 10% partout en France, selon les dernières données du CNOM. Cette tendance à la baisse concerne en premier lieu les médecins généralistes. S’ils étaient 94 261 en activité régulière en 2010, ils ne sont plus que 87 801 en 2018, soit une baisse de 7,3% depuis 2010 (0,4% depuis 2017).
Un accroissement des inégalités
Les chiffres révèlent aussi un accroissement des inégalités entre les départements les mieux lotis en termes de densité médicale. Les départements les moins bien pourvus comptent en effet désormais 1,6 fois moins de généralistes que les mieux lotis, contre 1,4 fois moins en 2010. L’écart s'avère encore plus important pour différentes autres professions, avec par exemple 2,6 fois moins d'ophtalmologues, 2,7 fois moins de psychiatres et 3,6 fois moins de dermatologues dans les zones les plus sous-dotées.
"Alors que les inégalités entre départements favorisés et défavorisés en termes de démographie médicale se creusent, l’on constate que les fragilités dans l’accès aux soins sont souvent cumulées à d’autres facteurs de fragilité territoriale. Cela contribue à la remise en question du pacte Républicain, dont la santé pour tous est un pilier", estime en conséquence l’ordre des médecins.