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Maladie cœliaque

Intolérance au gluten : attention aux infections à entérovirus de la petite enfance

Par Dr Philippe Montereau

Chez des enfants qui ont une vulnérabilité génétique, une infection à entérovirus survenant après l’enrichissement de l’alimentation en gluten est associée à un sur-risque de maladie cœliaque.

CherriesJD/istock

Plusieurs publications récentes ont suggéré que des infections virales communes (rotavirus, adénovirus et entérovirus) pouvaient être impliquées dans le déclenchement de la maladie cœliaque. Parallèlement, un certain nombre d’études épidémiologiques montrent une plus forte prévalence de ce type d’infections chez les enfants avant le déclenchement de l’intolérance au gluten symptomatique.

Une étude longitudinale a donc été réalisée sur les infections intestinales chez de jeunes enfants norvégiens porteurs d’un facteur de risque génétique de maladie cœliaque : le HLADR4-DQ8/DR3-DQ2. Il ressort de cette petite étude, mais réalisée sur des analyses longitudinales de selles, qu’un virus intestinal commun dans la petite enfance, l'entérovirus, peut être un des déclencheurs de la maladie cœliaque. Mais l'adénovirus, un autre virus commun qui avait été incriminé, n’est pas associé à un risque d’intolérance ultérieure au gluten. Cette étude est publiée dans le BMJ.

Une étude prospective sur les analyses de selles

La maladie cœliaque est une affection digestive courante provoquée par une réaction anormale au gluten, une protéine alimentaire présente dans le blé, l’orge et le seigle. On pense qu’elle se développe en raison d'une combinaison de déclencheurs génétiques et environnementaux car les facteurs génétiques prédisposant sont fréquents dans la population (40%) et le gluten est quasi-ubiquitaire.

Les chercheurs ont donc vérifié si les infections à entérovirus et à adénovirus survenant avant le stade immunologique de la maladie cœliaque (développement des anticorps) sont plus courantes chez les enfants à qui on diagnostiquait plus tard une maladie cœliaque que chez les autres.

Entre 2001 et 2007, ils ont recruté 220 enfants norvégiens porteurs de la typologie génétique à risque HLA DQ2 et DQ8 et ont analysé séquentiellement par PCR leurs prélèvements de selles. La grande majorité des patients atteints de la maladie cœliaque sont porteurs d'au moins l'une de ces typologies, qui augmente à la fois le risque de maladie cœliaque et de diabète de type 1. Après un suivi moyen de près de 10 ans, 25 enfants ont été diagnostiqués pour la maladie cœliaque. Chaque enfant a ensuite été apparié à deux témoins sains.

L'entérovirus a été détecté plus fréquemment chez les enfants qui ont ultérieurement développé une intolérance au gluten que chez les témoins : 84 sur 429 (20%) versus 129 sur 855 (15%) chez les témoins. Il existe donc une association significative entre l'exposition à l'entérovirus et le risque ultérieur de développer la maladie cœliaque, mais cette relation chronologique n’a pas été retrouvée avec l'adénovirus.

Une relation directe avec l’entérovirus

Ce qui est intéressant, c’est que ce sont les infections à entérovirus contractées après l’introduction du gluten dans le régime alimentaire de l’enfant qui sont associées à un risque de développer ultérieurement une maladie cœliaque. Les infections à entérovirus qui surviennent avant l’introduction ne le sont pas, ce qui suggère que c’est l’infection elle-même qui est le déclencheur de la maladie. En effet, les infections gastro-intestinales sont fréquentes dans l’enfance et elles peuvent altérer transitoirement la barrière muqueuse, ce qui peut amener le passage de certaines molécules dans la paroi et à un processus de sensibilisation auto-immun.

Il s’agit d’une étude observationnelle et aucune conclusion définitive concernant un lien de cause à effet ne peut être tirée : il n’est en effet pas possible d’exclure la possibilité que d’autres facteurs non évalués dans cette étude aient pu influencer les résultats. De plus, le nombre d’enfants atteints de la maladie cœliaque était limité et ces résultats pourraient ne pas être généralisés à des profils génétiques plus larges.

1ère étude chronologique sur le rôle des virus

Il s'agit de la première étude longitudinale de ce type à explorer le lien entre les infections à virus dans l'enfance (avérée sur des prélèvements de selles) et le déclenchement d’une maladie cœliaque ultérieure. De plus, la présence des allèles HLA-DQ2 ou HLA-DQ8 représente la presque totalité des personnes « génétiquement prédisposées » à la maladie cœliaque et il est probable que ce s'applique à une large proportion des malades souffrant de la maladie cœliaque.

Avec près de 40% de la population génétiquement prédisposée à la maladie cœliaque, l'identification des déclencheurs environnementaux est un « problème majeur ». Les auteurs suggèrent que l'identification de virus déclencheurs peut justifier de stratégies préventives efficaces : « si l'entérovirus est confirmé comme facteur déclencheur, la vaccination pourrait réduire le risque de développement de la maladie cœliaque ».

Ce principe pourrait s’appliquer aussi à la prévention d’une partie des diabètes de type 1 où la fréquence des infections a entérovirus a également été décrite en préalable à l’auto-immunité anti-ilots de Langerhans. L’étude confirme également que la piste de l’adénovirus a du plomb dans l’aile.