"Les inégalités de santé ne sont pas une fatalité." C’est le titre d’une tribune signée dans le JDD par 18 maires* de grandes villes. "La France fait partie des pays où les inégalités sociales de mortalité et de santé sont les plus élevées en Europe occidentale, et la tendance n'est pas à la baisse. Le constat dressé ces dernières années par les instances de l'État est en complète incohérence avec la devise d'égalité de notre République", déplorent les élus.
L'indice d'obésité varie de 1 à 10 entre enfants de cadres et d'ouvriers
Les inégalités sociales et territoriales de santé demeurent en France à des niveaux élevés et commencent dès le plus jeune âge. Elles se traduisent chez les hommes par un écart de 13 ans de l’espérance de vie entre les plus aisés et les plus modestes et 8 ans pour les femmes. Pour les femmes sans aucun diplôme, le risque de mettre au monde un enfant de petit poids (moins de 2500 grammes) est 50% plus élevé que pour celles ayant le bac. En matière bucco-dentaire, moins de 2% des enfants de cadres ont au moins deux dents cariées non soignées, contre 11% des enfants d'ouvriers. En classe de CM2, l'indice d'obésité varie de 1 à 10 entre enfants de cadres et d'ouvriers.
Pour agir, "trois axes sont prioritaires à nos yeux", expliquent les maires : mesurer ces inégalités sur les territoires, décloisonner les interventions et former les professionnels. "Il faut rappeler que les leviers pour agir sont largement locaux. (…) Nous demandons la mise en place de moyens pour agir localement, de façon coordonnée et dans le respect de l'équité des territoires. Il y va de la promesse d'égalité de notre République", poursuivent les élus, dont Anne Hidalgo à Paris, Jean-Claude Gaudin à Marseille ou l'ex-maire de Bordeaux Alain Juppé.
"La tendance est un peu à l'américanisation"
Les dernières données du CNOM indiquent en effet un accroissement des inégalités entre les départements les mieux lotis en termes de densité médicale. Les départements les moins bien pourvus comptent en effet désormais 1,6 fois moins de généralistes que les mieux lotis, contre 1,4 fois moins en 2010. L’écart s'avère encore plus important pour différentes autres professions, avec par exemple 2,6 fois moins d'ophtalmologues, 2,7 fois moins de psychiatres et 3,6 fois moins de dermatologues dans les zones les plus sous-dotées.
"La santé coûte cher aujourd'hui en France, mais c'est notre bien le plus précieux. Nous ne sommes évidemment pas les plus mauvais dans ce domaine-là au niveau national. Mais la tendance est un peu à l'américanisation. Cela consiste à dire : Donne-moi ta carte de crédit et puis je te soignerai. On n'en est pas tout à fait là, mais c'est ce qu'il faut éviter", conclut sur France Info le maire de Strasbourg Roland Ries.
*Nathalie Appéré, maire de Rennes ; Christophe Béchu, maire d'Angers ; Alain Bocquet, maire de Saint-Amand-les-Eaux ; Joël Bruneau, maire de Caen ; Olivier Carré, maire d'Orléans ; Gérard Collomb, maire de Lyon ; François Cuillandre, maire de Brest ; Jean-François Debat, maire de Bourg-en-Bresse ; Brigitte Fouré, maire d'Amiens ; Jean-Louis Fousseret, maire de Besançon ; Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille ; Anne Hidalgo, maire de Paris ; Alain Juppé, maire de Bordeaux ; Michèle Lutz, maire de Mulhouse ; Eric Piolle, maire de Grenoble ; Roland Ries, maire de Strasbourg ; Johanna Rolland, maire de Nantes ; et Danielle Valéro, maire déléguée d'Evry. Ils demandent "la mise en place de moyens pour agir localement, de façon coordonnée et dans le respect de l’équité des territoires."