Lorsqu’un patient se fait amputer d’un membre, son quotidien est complètement bouleversé. L’un des défis de la médecine est de pallier l’absence de ce membre, que certaines personnes sentent pourtant encore. C'est ce que l'on appelle le membre fantôme. Une équipe de chercheurs du CNRS et d’Aix-Marseille Université ont collaboré avec des médecins de Nancy pour mettre au point un prototype de prothèse de bras capable de détecter les mouvements du membre fantôme, c'est-à-dire du membre amputé.
Modifier l’usage de la prothèse classique
Les prothèses utilisées habituellement sont constituées d’électrodes, placées sur des muscles du moignon. Or, cela force le patient à apprendre à contracter ce muscle. Un apprentissage qui peut durer longtemps, même pour apprendre un geste simple comme ouvrir ou fermer la main.
Pour mettre au point leur prototype, les chercheurs ont profondément modifié l’usage de la prothèse. Le concept veut désormais que le patient bouge son membre fantôme et que la prothèse détecte ce mouvement pour le reproduire. Ce procédé est possible grâce à l’intelligence artificielle. Les chercheurs ont créé des algorithmes capables de reconnaître les activités musculaires générées par le mouvement du membre fantôme. Cette fois-ci, l’apprentissage dure quelques minutes uniquement. Des start-ups ont déjà manifesté leur intérêt pour cet technologie. Nous pouvons donc envisager une mise sur le marché dans les prochaines années. Demeure une question : comment expliquer que l'on puisse faire "bouger" un membre amputé ?
Après l’amputation, le cerveau se modifie lui-même
Des chercheurs brésiliens viennent de publier une étude sur le sujet dans la revue Scientific Reports. Ils expliquent qu’après l’amputation d’un membre, les zones du cerveau qui permettent d'effectuer des mouvements ou avoir des sensations modifient leur manière de communiquer, ce que l'on appelle la plasticité cérébrale. Il s'agit des mécanismes par lesquels le cerveau est capable de se modifier lors des processus de neurogenèse dès la phase embryonnaire ou lors d'apprentissages.
Les chercheurs ont effectué un IRM sur des patients qui venaient d'être amputés d'un membre inférieur. Ils ont d'abord constaté une forte activité du cerveau. Autre constat, le corps calleux, structure du cerveau qui relie les zones responsables du mouvement et des sensations, a perdu de sa force. Cette altération du corps calleux modifie la façon dont l'hémisphère gauche et l'hémisphère droit du cerveau communiquent. Selon les scientifiques, c’est cela qui pourrait expliquer la sensation d'avoir encore le membre amputé.
"Les modifications du cerveau en réponse à l’amputation font l’objet d’études depuis des années chez les patients signalant la douleur du membre fantôme. Cependant, nos résultats montrent qu’il existe un déséquilibre fonctionnel même en l’absence de douleur, chez les patients ne signalant que des sensations fantômes", détaille Ivanei Bramati, physicienne médicale au D'Or Institute for Research and Education (Rio de Janeiro, Brésil). D'autres recherches sont nécessaires pour approfondir notre compréhension de ce phénomène.
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