Doctoresse, chirurgienne, acupunctrice, professeure ou encore directrice… Ces noms féminisés de métiers vous font encore tiquer ? Il va pourtant bien falloir vous y habituer. Après des décennies à s’y opposer, l’Académie française consent en effet à reconnaître officiellement la féminisation des noms de métier, titres, grades et fonctions.
Selon L’Express, qui révèle l’information, une commission de féminisation rendra un rapport en ce sens le 28 février prochain. Présidée par Gabriel de Broglie et composée de Danièle Sallenave, Michael Edwards et Dominique Bona, elle prévoit d’en finir avec le sexisme linguistique longtemps défendu par l’Académie française. "Il ne s'agit pas d'un rapport radical mais très ouvert, plein de tolérance pour un vocabulaire qui est en pleine mutation", explique au Figaro Dominique Bona, qui plaide depuis longtemps pour une féminisation des métiers et des fonctions, indispensable selon elle pour accompagner l’évolution des femmes aux hautes fonctions et à des grades plus importants. "Il est nécessaire de répondre à des demandes de femmes qui ne savent plus comment se nommer dans le monde du travail."
Les acadamiciens, entre sexisme et conservatisme
Longtemps défendue par les féministes, la féminisation des noms de métiers s’est longtemps heurtée à une fin de non-recevoir des académiciens, peu enclins aux innovations linguistiques. Bien que les termes "avocate", "infirmière" ou encore "députée" se soient progressivement imposés dans le langage courant, les élus de l'Académie française, eux, ont bataillé pendant des décennies pour qu’ils ne figurent pas dans leur dictionnaire.
Conservateurs, voire ouvertement misogynes, certains n’ont d’ailleurs pas hésité à user d’arguments fallacieux pour empêcher la féminisation des noms de métiers. Ainsi, explique la linguiste Maria Candea à L’Express, "certains académiciens ont expliqué qu’ils n’aimaient pas doctoresse parce que cela rime avec fesse, sans s’apercevoir que le terme rime aussi avec princesse ou enchanteresse !"
Dans les années 1980, d’autres sages comme Claude Lévi-Strauss ou Georges Dumézil, ont aussi soutenu mordicus que le genre féminin étant considéré comme "discriminatoire", systématiser le masculin consistait en réalité selon eux, à promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.
Une décision symbolique mais essentielle
Pourtant, en 2019, cette évolution linguistique fait sens. Hautement symbolique, elle est aussi nécessaire pour enraciner la place qu’occupent désormais les femmes dans la sphère professionnelle. Longtemps tenues à l’écart des sphères de pouvoir et de savoir, les femmes ont désormais le droit à des noms correspondant à leur fonction.
"Nous sommes dans l'ordre du symbolique, mais cela compte. On peut espérer moins de discrimination et plus d'égalité", avance la sociologue du travail Margaret Maruani. "Cela peut renforcer leur légitimité au travail et cela renforce dans les esprits l'idée selon laquelle le monde du travail est un monde pour les hommes et pour les femmes", abonde sa consœur Danièle Linhart, qui estime que cette féminisation s’inscrit tout simplement dans l’ère du temps.