Les heures défilent sur le radio réveil et l’on a beau compter les moutons, le sommeil refuse de venir… Véritable fléau, ces insomnies chroniques sont une réalité pour nombre de Français. Selon le Baromètre santé 2010 réalisé par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, 15,8 % des 15-85 ans en souffriraient, avec des conséquences réelles et parfois sérieuses sur leur santé. Outre l’inévitable fatigue, les personnes souffrant d’insomnie sont aussi davantage sujettes à la somnolence, à la dépression ou encore aux troubles de l’humeur.
Touchant davantage les femmes que les hommes, les insomnies constituent, selon les chercheurs, le deuxième trouble mental le plus répandu chez l’adulte. Pourtant, il reste bien souvent une énigme pour les médecins, qui peinent parfois à en trouver l’origine, en raison des différents mécanismes cérébraux impliqués, mais aussi à prescrire un traitement efficace, qu’il soit médicamenteux ou non.
De nouveaux travaux menés par une équipe internationale de chercheurs et publiés dans Nature Genetics pourraient bien changer la donne. En évaluant le sommeil et les données génétiques de 1,3 millions de personnes, les auteurs ont identifié pour la première fois les types de cellules, les zones et les processus biologiques cérébraux qui interviennent dans le risque génétique de l’insomnie.
956 gènes contribuent au risque d’insomnie
Bien que les traitements contre l’insomnie atténuent les symptômes, la plupart des personnes touchées demeurent vulnérables aux mauvaises nuits de sommeil. Il est aussi fort probable que d’autres personnes de leur famille soient concernées par les troubles du sommeil. Jusqu’à présent, seuls quelques gènes impliqués dans la vulnérabilité génétique avaient été identifiés.
Ces scientifiques ont justement cherché à découvrir où les gènes à risque d’insomnie exercent leurs effets sur le cerveau. Au total, ils ont pu identifier 956 gènes dont les variantes contribuent au risque d’insomnie. Ils ont ensuite étudié les processus biologiques, les types de cellules et les zones du cerveau qui utilisent ces gènes. Ils ont alors découvert qu'une partie de ces gènes avait un rôle important dans la fonctionnalité des axones. Les axones sont les fibres nerveuses dans le prolongement des neurones, qui conduisent le signal électrique du corps cellulaire vers les zones synaptiques.
Une autre partie importante des gènes à risque d'insomnie était active dans des types cellulaires spécifiques de parties du cortex frontal et des noyaux subcorticaux du cerveau. Ces zones du cerveau ont également été récemment marquées comme suspectes dans les études d'imagerie cérébrale des personnes souffrant d'insomnie. Les résultats mis en évidence semblent donc cohérents, affirment les chercheurs.
Un effet combiné des gènes impliqués dans le risque d’insomnie
Pour Danielle Posthuma, professeure de génétique à Amsterdam, ces nouveaux travaux montrent que l’insomnie est influencée par des centaines de gènes cérébraux différents. "Ce qui compte, c'est leur effet combiné sur le risque d'insomnie", analyse-t-elle. "Ces résultats constituent une percée, puisque nous pouvons maintenant, pour la première fois, commencer à rechercher en laboratoire les mécanismes sous-jacents dans les cellules individuelles du cerveau", s’enthousiasme Guus Smit, neurobiologiste de l'Université VU-Université et co-auteur de l'étude.