Vous êtes sans doute déjà tombé dessus lors de votre navigation sur Internet : des articles de presse affirmant, études scientifiques à l’appui, qu’une consommation modérée d’alcool avait des effets bénéfiques sur la santé. Celle-ci, par exemple, publiée en 2017, affirmait qu’une consommation légère à modérée d’alcool protégeait de la mortalité toutes causes confondues.
Pourtant, tous les scientifiques ne sont pas d’accord avec cette conclusion. Dans une étude récemment publiée dans le Journal of Studies on Alcohol and Drugs, l’équipe du Dr Timothy Naimi, du Centre médical de Boston dans le Massachusetts, remet en question la méthodologie généralement utilisée dans ces travaux.
Des études peu fiables
Aussi optimistes et déculpabilisantes soient ces études pour qui aime boire de temps en temps un verre d’alcool, elles sont plus souvent observationnelles et ne sont pas d’une rigueur scientifique éprouvée, explique le Dr Naimi. En cause : le profil des participants. En effet, ces travaux ont tendance à inclure des personnes âgées de 50 ans et plus.
Cela pose un véritable problème, puisque ce groupe d’âge exclut de fait toute personne décédée des suites de sa consommation d’alcool avant l’âge de 50 ans. Or, "les personnes décédées ne peuvent pas être inscrites à des études de cohorte", font sèchement remarquer les auteurs de l’étude. Selon eux, ceux qui sont des buveurs établis à 50 ans sont des "survivants" de leur consommation d'alcool qui, au départ, auraient pu être en meilleure santé ou avoir des habitudes de consommation plus "sûres" que les autres.
Ces travaux sont d’autant plus biaisés que plus de 40% des décès dus à l’alcool surviennent avant l’âge de 50 ans. Cela donne donc lieu à penser qu’ils sous-estiment le risque lié à l’alcool, notamment chez les plus jeunes. De plus, expliquent les chercheurs, les participants, généralement âgés, ne sont pas représentatifs de toutes les personnes consommant de l’alcool.
Des risques sous-estimés chez les plus jeunes
Pour obtenir des données plus fiables, le Dr Naimi et son équipe ont utilisé un logiciel appelé Alcohol-Related Disease Impact, qui compile les données de tous les Centers for Disease Control and Prevention. Les données utilisées proviennent de statistiques gouvernementales sur les causes de décès et les prestations de santé de 2006 à 2010 aux États-Unis. Alors, une consommation légère à modérée d’alcool peut-elle protéger ?
Les chercheurs ont constaté que l’âge était un facteur important dans les décès évités "grâce" à la consommation d’alcool. Les données recueillies et analysées montrent clairement que les personnes plus jeunes sont particulièrement vulnérables face à l’alcool. Ainsi, environ 35,8 % du total des décès causés par l'alcool sont survenus chez des personnes âgées de 20 à 49 ans. À l’inverse, seuls 4,5 % des décès dont on a déterminé qu'ils avaient été évités "grâce" à la consommation d'alcool se sont produits dans ce groupe d'âge plus jeune.
La comparaison avec le groupe des personnes âgées de 65 ans et plus est frappante. Bien que ces dernières connaissent aussi un taux de mortalité de 35% attribuable à la consommation d’alcool, 80% des décès qui ont été évités grâce à la consommation d'alcool se sont produits dans ce groupe.
Une tendance assez semblable s'est dégagée lorsque les chercheurs ont examiné les années de vie potentielles perdues à cause de la consommation d'alcool. Sur l'ensemble des années de vie perdues, 58,4 % l'ont été chez les 20 à 49 ans, contre 15% chez les personnes de 65 et plus. Le groupe le plus jeune n'a vu que 14,5 % des années de vie sauvées de la consommation d'alcool, contre 50% au sein du groupe plus âgé.
"Cette étude s'ajoute à la littérature qui remet en question les effets protecteurs de l'alcool sur la mortalité toutes causes confondues", concluent les auteurs. Ces derniers se veulent toutefois rassurants, en écrivant que "la plupart de ceux qui choisissent de boire peuvent le faire avec un risque relativement faible" tant que leur consommation reste modérée.