La France fait-elle courir un danger à la population mondiale face à la recrudescence du virus de la rougeole ? C’est ce que laisse entendre Agnès Buzyn.
Dans une interview accordée dimanche 3 mars au Parisien, la ministre des Solidarités et de la Santé s’inquiète contre ce qu’elle considère être une "bizarrerie" : la recrudescence des cas de rougeole dans l’Hexagone. Ce constat fait suite au cri d’alarme lancé conjointement vendredi 1er mars par l’Unicef et l’Organisation mondiale de la Santé face au retour de la rougeole dans 98 pays, dont de nombreux pays d’Europe comme l’Ukraine, mais aussi les Philippines et le Brésil.
Une couverture vaccinale trop faible
La France est loin d’être épargnée. 2 269 cas supplémentaires de rougeole y ont été diagnostiqués en 2018 par rapport à 2017. Depuis le 1er janvier 2019, 244 cas de rougeole ont été déclarés. "73 personnes ont été hospitalisées, 19 ont eu des complications pulmonaires et 4 ont été conduits en réanimation", détaille la ministre, qui estime que la France est "un territoire à risque". "Cela fait déjà plusieurs années que notre pays, comme l’Ukraine et le Brésil, a une couverture vaccinale insuffisante. Ce qui est étonnant, c’est que nous sommes un pays européen où il est très facile de se faire immuniser. Pour endiguer le recul du vaccin, j’ai dû le rendre obligatoire l’an dernier", rappelle Agnès Buzyn.
Associée à celle contre les oreillons et la rubéole, la vaccination contre la rougeole est devenue obligatoire pour les enfants nés à partir du 1er janvier 2018. Malgré cette mesure, la couverture vaccinale reste largement insuffisante en France, rappelle la ministre de la Santé : son niveau actuel est estimé à 79%, soit au-dessous du seuil d’immunité de groupe, fixé à 95%.
Agnès Buzyn se veut toutefois optimiste. "Nous avons observé un rattrapage progressif de la vaccination chez les familles. Les parents qui ont des nourrissons et qui doivent donc maintenant être obligatoirement immunisés ont pris conscience qu’il n’y avait pas de raison de ne pas le faire avec leurs autres enfants, plus âgés. Je rappelle qu’il n’est jamais trop tard pour se faire vacciner."
Les anti-vaccins pointés du doigt
Pour la ministre de la Santé, cette couverture vaccinale insuffisante est largement le fait des campagnes menées par les anti-vaccins. Selon elle, c’est cette défiance et ce scepticisme des Français qui est à l’origine de la recrudescence des cas de rougeole dans l’Hexagone. "Il y a encore 20 ou 30 ans, notre taux de vaccination était tout à fait suffisant. Comme beaucoup de pays, la France a subi les campagnes de désinformation et elle y a été visiblement très sensible. L’Organisation mondiale de la santé nous regarde désormais comme une bizarrerie. On est le pays de Pasteur et pourtant on nous considère comme un mauvais élève, capable de propager le virus dans le monde", regrette-t-elle. Elle pointe notamment "des gens d’extrême gauche ou d’extrême droite", ainsi que des "mouvances au sein de certains partis politiques".
Une maladie très contagieuse
La rougeole est une maladie infectieuse due à un virus très contagieux qui touchait auparavant surtout les jeunes enfants à partir de 5–6 mois. Ce n’est plus le cas : un tiers des cas déclarés en France concerne des personnes de plus de 15 ans. "Une personne malade peut en contaminer jusqu'à 20", souligne Agnès Buzyn. La rougeole est, par exemple, 10 fois plus contagieuse que la grippe. Elle se transmet très facilement d’une personne à l’autre par l'air, lors de toux, éternuements, ou par contact avec des objets contaminés (jouets, mouchoirs…).
D’où la nécessité de se faire vacciner. "La vaccination est aussi un geste altruiste envers les plus fragiles", affirme Agnès Buzyn. "La plupart des pays du nord, où il n’y a pas de défiance vis-à-vis du vaccin, ne sont pas touchés par ces épidémies."