Un lymphœdème se manifeste chez une grande partie des femmes atteintes d'un cancer du sein ayant fait de la radiothérapie ou subi un curage axillaire, une opération visant à retirer le ou les ganglion(s) lymphatique(s) de l'aisselle. "C'est un domaine mal connu par les spécialistes et les généralistes. On est très peu nombreux en France à connaitre le sujet", nous explique le Dr Stéphane Vignes, Chef de Service de l'Unité de Lymphologie à l'Hôpital Cognacq-Jay, à Paris. Principalement parce qu'il est "peu enseigné" en faculté de médecine. "Donc je pense qu'il y a une mise au point importante à faire pour compenser et améliorer les connaissances actuelles".
15 et 20% des femmes concernées
Le "syndrome du gros bras", comme on l'appelle plus communément, concerne de nombreuses patientes : "on sait d'après des études étrangères qu'une femme sur 5, c'est-à-dire entre 15 et 20% des femmes traitées par un curage axillaire développeront un lymphoedème. Plus précisément, "environ 100 000 femmes en France souffrent du 'syndrome du gros bras'". Statistiquement, un médecin généraliste français devrait donc avoir un à deux cas parmi ses patients. Malgré ces chiffres, la méconnaissance qui entoure ce syndrome limite les possibilités de poser un diagnostic précoce, alors que le traiter rapidement permet d'éviter une fibrose.
A quel moment du traitement survient ce syndrome ? "La moitié des femmes le développe avant deux à trois ans après leur cancer du sein, mais l'autre moitié deux à trois ans après. Des formes très tardives ont également été observées "15 à 30 ans après un cancer du sein". Le "syndrome du gros bras" se développe d'un seul côté, sauf en cas de cancer bilatéral, c'est-à-dire des deux seins.
A quoi est dû le "syndrome du gros bras" ?
Selon la littérature médicale, "le risque de développer ce syndrome serait de 1,1% par ganglion enlevé lors d'un curage axillaire", explique le médecin. La radiothérapie est aussi à risque, "mais comme ces deux techniques combinées sont très efficaces lors du traitement, cela peut être encore plus toxique". La mastectomie engendrerait également beaucoup de cas, mais selon le spécialiste, la reconstruction mammaire immédiate ou différée limiterait les risques. Fort heureusement, la technique du ganglion sentinelle qui consiste à enlever le ou les ganglion(s) lymphatique(s) de l'aisselle le(s) plus proche(s) de la tumeur, "permet de diminuer très nettement le risque de lymphoedème. La radiothérapie étant mieux maîtrisée, on espère arriver à un taux de 7-8% de femmes concernées et non plus de 15-20%".
"Il est également important de préciser que l'obésité, voire le surpoids, augmente de 4 fois le risque de faire un lymphoedème. De même, les chimiothérapies par taxane seraient un peu plus pourvoyeuses de lymphoedèmes que celles sans taxane", ajoute le Dr Vignes.
Les signes qui doivent alerter
Comment diagnostiquer un lymphoedème ? Pour commencer, "ce n'est pas douloureux". Si la patiente ressent une douleur, "on suspecte une autre pathologie associée (l'épaule, le canal carpien, une neuropathie...) et due à la chimiothérapie. Le bras peut être lourd, pesant, la peau peut être tendue, parfois ferme, voire très ferme, parfois un peu érythémateuse. Mais il n'y a pas de signe particulièrement inquiétant en dehors du volume", précise le Dr Vignes. Ce gonflement "peut commencer par la main, mais débute plus fréquemment par la partie haute du bras et descend progressivement sur la main".
Un lymphœdème dit volumineux, fait "entre 300 et 600 grammes maximum, soit un litre". Si son volume peut impressionner ou incommoder d'un point de vue esthétique, il est finalement peu lourd à porter. Le meilleur moyen de poser un diagnostic est encore de "mesurer la circonférence des deux bras avec un mètre ruban de couturière : on considère que lorsqu'il y a une différence de deux centimètres entre les deux membres, c'est qu'il s'agit d'un lymphoedème". En cas de non traitement, il existe un risque d'augmentation du volume. "Le ou les bras peuvent alors devenir très très volumineux". La complication la plus grave, qui concerne 40% des femmes développant un "syndrome du gros bras" est l'érysipèle, une infection bactérienne qu'il faut soigner rapidement.
Les bienfaits de l'activité physique
Les femmes doivent impérativement utiliser leurs membres supérieurs de façon régulière, ne pas prendre de poids et même, pratiquer une activité physique régulière. "Des études ont montré que des Américaines ayant pratiqué de l'haltérophilie post-opératoire avaient moins de risque de développer un lymphoedème que les autres", ce qui démontre que même le sport intensif est bénéfique. La piscine, le tennis, l'escalade ou encore l'aviron sont des activités physiques préventives saines, praticables également lorsque le diagnostic est posé.
Les femmes peuvent utiliser leur "gros bras" à leur guise (pour accomplir les tâches du quotidien, faire une prise de sang, une transfusion...). Il existe des bandages permettant de diminuer le volume du gonflement de 30 à 40% à porter pendant une dizaine de jours, ou des manchons de compression (l'équivalent des bas de contention, mais pour le bras) à porter à vie. Le tout est d'en parler avec son médecin pour adopter le meilleur traitement.