"Je ne pleure pas parce que j’ai mes règles, je ne peux pas croire qu’un film qui parle de menstruations vienne juste de gagner un Oscar". Le 24 février dernier, au Dolby Theater de Los Angeles, les réalisatrices du court-métrage documentaire "Les règles de notre liberté" ("Period. End of sentence" en anglais) laissent éclater leur émotion. Rayka Zehtabchi et Melissa Berton sont allées dans un village reculé de l’Inde où le tabou sur les règles est encore bien solide. Les filles et les femmes, pendant leurs menstruations, ne peuvent pas se rendre au temple ou à l’école. Elles utilisent des bouts de tissus, faute de protections. Un groupe de femmes compte bien changer les choses, en fabriquant elles-mêmes leurs propres serviettes hygiéniques. Mais cela pendant la nuit, car les règles sont considérées comme sales et honteuses.
Au Népal, les femmes sont isolées dans des cabanes
D’ici, cette histoire peut choquer. Pourtant, dans le monde, les règles sont encore l’objet d’un tabou tenace et surtout d’un manque de connaissance. Au Népal par exemple, les femmes qui ont leur règles sont considérées comme "impures", "intouchables", et capables de jeter des sorts. Elles doivent donc, pendant leurs menstruations, quitter leur foyer afin de s’isoler dans une hutte. Un exil une semaine par mois, et cela pendant 35 ou 45 ans. Jusqu’à ce qu’elles n’aient plus leurs règles. Il s’agit d’un rite traditionnel hindou, baptisé "Chaupadi". Déclaré illégal par la Cour Suprême du Népal en 2005, il existe encore trop dans certaines contrées.
Pourtant, rien de surnaturel dans les règles. Elles sont utiles et saines. Pendant le cycle menstruel, qui dure environ 28 jours, un ovule quitte les ovaires pour se diriger vers l’une des deux trompes de fallope. Si l’ovule n’est pas fécondé, c’est-à-dire s’il n’a pas rencontré de spermatozoïde, la paroi de l’utérus se détache avec l’ovule et le surplus de tissu sanguin. Ce qui donne les règles (lorsque que la femme n’est donc pas enceinte).
La précarité des femmes réfugiées
Il existe des situations dans lesquelles les règles deviennent un véritable cauchemar. C’est le cas pour les femmes réfugiées, qui font trop souvent face à une pénurie de protections hygiéniques, voire même de vêtements. La guerre en Syrie dure depuis presque huit ans, et elle est à l’origine du plus grand nombre de réfugiés dans le monde après la Seconde guerre mondiale. Certaines femmes, faute de serviettes hygiéniques, utilisent d’anciens vêtements. Le problème, c’est que la réutilisation de ces bouts de tissus entraine le développement de mycoses, d’infections vaginale ou encore de problèmes de rein. Dans les pays qui accueillent ces femmes réfugiées, des initiatives fleurissent pour les aider, à l’image de l’association Bloody Good Period à Londres ou de Règles élémentaires à Paris.
En France, où en sommes-nous ?
Même si dans les pays dits développés l’accès aux protections hygiéniques est plus simple, les règles ne sont toujours pas considérées comme véritablement normales. Sur les réseaux sociaux, comme Instagram par exemple, les photos qui montrent les menstruations sont systématiquement censurées. Une sexothérapeute américaine, Demetra Nyx, veut défendre la libération du corps de la femme en publiant régulièrement des photos d’elle, le visage recouvert de son sang menstruel. Dégoutant ? Inutile ?
En France, les adolescentes ont encore honte de leurs règles, particulièrement à l’école. Selon un sondage publié récemment par la newsletter féministe Les Glorieuses, 7 jeunes femmes sur 10, âgées de 12 à 19 ans, déclarent ne pas être "suffisamment à l’aise avec le personnel encadrant et éducatif pour demander de l’aide en cas d’oubli ou de pénurie de protection". Pourtant, elles sont 90% à s’être déjà retrouvées dans cette situation. À Paris, la mairie du 10e arrondissement souhaite tester des distributeurs gratuits de protections hygiéniques dans six collèges, selon Les Glorieuses.