La justice a reconnu ce lundi l'origine professionnelle de la maladie de Parkinson d'un arboriculteur décédé l'année dernière à l'âge de 74 ans. Employé pendant 37 ans dans une entreprise à Loiré, en Maine-et-Loire, ce monsieur a passé toute sa vie à entretenir des vergers, c'est-à-dire à tailler les arbres en fonction des saisons et des caractéristiques propres à leur espèce, à participer à la cueillette, à préparer les sols, etc. De ce fait, il a été exposé aux pesticides au moins 5 jours sur 7, pendant près de 40 ans. "Il ne manipulait pas lui-même les produits phytosanitaires. Mais comme tous les employés à l'époque, il travaillait dans les rangs pendant et après les traitements", explique à l'AFP son frère et ancien tuteur légal Michel Geslin.
Une victoire qui doit faire "évoluer la législation"
C'est ce dernier qui a fait les démarches administratives pour que la maladie de son frère soit reconnue d'origine professionnelle, après un premier diagnostic de troubles "de type Alzheimer" en 2008, requalifiés quelques années plus tard en maladie de Parkinson. "Cette reconnaissance nous a été refusée une première fois en 2017 parce que le certificat initial de son médecin traitant n'avait fait mention que de 'troubles de mémoire', explique-t-il. Alors même que la Mutualité sociale agricole disposait de tous les avis des spécialistes." Puis, Michel Geslin obtient un deuxième refus en 2018. C'est finalement l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Bretagne qui fait bouger les choses.
Michel Besnard, porte-parole du collectif de soutien aux victimes des pesticides de l'Ouest, affirme à l'AFP qu'il s'agit d'"un cas emblématique car il montre que les organismes de protection sociale agricole, bien que parfaitement informés, préfèrent laisser filer. Pour qui veut faire reconnaître sa maladie, c'est un parcours du combattant". Le lien entre les maladies professionnelles et les pesticides, même s'ils sont de plus en plus avérés par la science, demeurent peu reconnus sur le plan juridique. Pour Michel Geslin, cette victoire doit contribuer "à faire évoluer la législation sur les maladies professionnelles liées aux produits phytosanitaires, afin que ce qui est arrivé à (son) frère n'arrive plus".
Les agriculteurs sont parmi les plus exposés
La maladie de Parkinson est la maladie neurologique qui a le plus augmenté entre 1990 et 2015 : le nombre de ses victimes a doublé. Fin 2015, le nombre de patients parkinsoniens traités était de l’ordre de 160 000 en France, avec environ 25 000 nouveaux cas par an. 17% des nouveaux cas étaient âgés de moins de 65 ans. Selon Santé Publique France, le nombre de personnes atteintes de la maladie de Parkinson aura augmenté de 56% en 2030. Les agriculteurs et les riverains ont 10% de risques en plus de contracter la maladie, notamment à cause des pesticides.
En 2012, Bruno Le Maire - alors ministre de l'Agriculture - avait officiellement reconnu la maladie de Parkinson comme étant une maladie professionnelle des agriculteurs, dans un décret publié au Journal officiel. Selon le texte, les agriculteurs doivent avoir été exposés au moins 10 ans aux pesticides et avoir ressenti les premiers symptômes un an après la fin de cette exposition pour qu'elle soit reconnue comme maladie professionnelle.
En 2016, l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) avait réalisé une revue de la littérature publiée de 1990 à 2015. Plusieurs classes de produits chimiques étaient impliquées, parmi lesquels les pesticides. Des pesticides tristement célèbres figurent dans la liste dressée par l’EFSA, comme l’organochlorine utilisée dans le DDT (un produit chimique synthétisé aux propriétés insecticides et acaricides) ou les pyréthrinoïdes (un puissant insecticide). Ces deux molécules sont pourtant largement utilisées, afin de lutter contre les moustiques vecteurs de maladies infectieuses.