Un sursaut mondial pour la santé des plus jeunes. Voici ce que réclament les auteurs d’une vaste étude portant sur la santé des adolescents et jeunes adultes. Financés par la Fondation Bill et Melinda Gates et publiée dans la revue The Lancet, ces nouveaux travaux s’intéressent à l’évolution de la santé des jeunes au niveau mondial, et les résultats qu’ils mettent en lumière ne sont guère optimistes.
Obésité, consommation de tabac et d’alcool, mais aussi exposition aux maladies et à la violence… Jamais depuis 1990 la jeunesse mondiale n’avait été confrontée à une telle mise en danger de sa santé.
Les adolescents touchés par un triple fardeau sanitaire
Pour parvenir à cette alarmante conclusion, les auteurs de l’étude ont suivi entre 1990 et 2016 les progrès de 12 indicateurs de la santé des adolescents et jeunes adultes dans 195 pays. Ont notamment été pris en compte des facteurs de risque tels que le tabagisme et l’obésité, mais aussi des problèmes sociaux ayant une incidence sur la santé comme le mariage précoce ou l’accès à l’enseignement secondaire.
Premier constat : jamais la population âgée de 10 à 24 ans n’a été aussi nombreuse (1,8 milliard en 2016). Soit 250 millions d’adolescents supplémentaires par rapport à 1990. Au total, près d'1 milliard (963 millions) habitent un pays où cette tranche d'âge est confrontée à un "triple fardeau" sanitaire que constituent les maladies infectieuses ou liées à l'alimentation, les maladies non transmissibles (diabète, obésité, maladies mentales, etc.) ainsi que les blessures et les violences. Alors que 46% des adolescents y étaient confrontés en 1990, ils sont 53% en 2016.
"Malgré les améliorations apportées dans de nombreux contextes, le défi de la santé des adolescents est plus grand aujourd'hui qu'il ne l'était il y a 25 ans", explique le Pr George Patton de l’Institut de recherche sur les enfants Murdoch et de l’Université de Melbourne (Australie). "Des investissements complets et intégrés dans la santé des adolescents, la croissance et le développement n’ont jamais été aussi forts."
Comment expliquer alors l’aggravation des risques sanitaires chez les 10-24 ans ? Les chercheurs l’expliquent par la forte croissance démographique, en particulier dans les pays où la santé des adolescents est la plus médiocre. Ce changement démographique rapide a accentué les inégalités mondiales, en particulier dans 70 pays "à charge multiple", à revenu faible ou intermédiaire.
Dans ces pays, majoritairement situés en Afrique sub-saharienne et dans la région Asie-Pacifique, les maladies non transmissibles constituent la cause principale de la maladie chez les adolescents.
Les risques nutritionnels pour la santé sont aussi devenus plus importants en l’espace de 25 ans. En 2016, 324 millions d’adolescents dans le monde (soit près d’un sur cinq) étaient en surpoids ou obèses, soit une augmentation de 120% par rapport à 1990. Au cours de la même période, le nombre d'adolescents anémiques a augmenté de 20%, passant de 357 millions à 430 millions, soit une augmentation de 20%, dont 77% dans des pays à charges multiples.
En revanche, le nombre d’adolescents de 15-19 ans consommant excessivement de l’alcool a peu changé depuis 1990, relèvent les auteurs de l’étude : ils sont 44 millions de garçons et 27 millions de filles en 2016. Le nombre d’adolescents fumant quotidiennement a quant à lui diminué d’environ 20%, passant de 174 millions en 1990 à 136 millions en 2016. Toutefois, la proportion dans les pays à charges multiples a considérablement augmenté.
L’inégalité entre les sexes, facteur de mauvaise santé des filles
Si la santé des adolescents et jeunes adultes s’est dégradée au niveau mondial depuis 1990, c’est aussi parce que l’inégalité entre les sexes reste un facteur puissant de mauvaise santé, en particulier dans les pays à faible revenu.
Ainsi, le mariage précoce constitue un facteur majeur de mauvaise santé chez les jeunes filles. En 2016, 66 millions de femmes âgées de 20 à 24 ans ont déclaré s’être mariées avant l’âge de 18 ans.
Même constat concernant l’absence d’accès à l’enseignement. À l'échelle mondiale, on estime que le nombre de jeunes femmes (175 millions de personnes) non scolarisées, sans emploi ni formation (NEET) est environ trois fois plus élevé que celui des jeunes hommes (63 millions). En Inde, la prévalence est 15 fois plus élevée chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes (près de 54% contre 3,5%). La forte prévalence de NEET parmi les jeunes femmes dans les pays à charges multiples pourrait s'expliquer par les taux élevés de naissances vivantes d'adolescentes, ce qui perturbe l'éducation et, partant, restreint les perspectives d'emploi.
Les pays riches ne sont pas épargnés. Aux États-Unis, les NEET constituaient une proportion relativement élevée d'adolescents, avec plus de 17% de jeunes femmes et près de 16% de jeunes hommes de 15 à 24 ans, contre environ 4% chez les deux sexes aux Pays-Bas et environ 11 ans. % au Royaume-Uni.
"Pour parvenir à l'équité entre les sexes en ce qui concerne les déterminants de la santé et du bien-être des adolescents, il faudra prendre des mesures sur plusieurs fronts, notamment l'emploi et l'autonomisation économique, un meilleur accès aux soins de santé essentiels, y compris la contraception, la mise en œuvre de cadres législatifs pour protéger les filles des mariages précoces et des modifications des normes communautaires", analyse le Pr Patton.
Avec ses co-auteurs de l’étude, il plaide pour des investissements immédiats et importants dans la santé des adolescents et pour des réponses allant au-delà des systèmes de santé, par exemple dans l'éducation.