Synonyme de progrès, d’une meilleure prise en charge des patients et d’un accès plus rapide aux soins, la télémédecine vient peut-être de prouver sa limite : celle d’un rapport déshumanisé aux malades.
La famille d’Ernest Quintana en a fait l’amère expérience. Le 5 mars dernier, ce Californien de 79 ans traité par télémédecine dans un service de soins intensifs d’un hôpital de Fremont, dans la baie de San Francisco, a appris par visioconférence qu’il ne lui restait que quelques heures à vivre.
Le médecin qui le traitait n’a pas pris la peine de se déplacer : c’est par un écran d’ordinateur porté par un robot qu’Ernest Quintana a appris la terrible nouvelle. Il est décédé le lendemain.
"Un humain aurait dû venir"
C’est la petite fille du septuagénaire qui a médiatisé l’affaire. Au moment où le robot est entré dans la chambre de son grand-père, Annalisia Wilharm était la seule présente à ses côtés. Elle a donc appris en même temps que lui à travers l’écran que le poumon d’Ernest Quintana ne fonctionnait plus et qu’il ne pourrait jamais plus rentrer chez lui. "On savait que ça allait arriver et qu'il était très malade, mais on ne peut pas donner des nouvelles de cette façon, un humain aurait dû venir", a déclaré la jeune femme lors d'une interview à la chaîne de télévision locale KTVU.
L’histoire est d’autant plus bouleversante qu’Ernest Quintana n’a pas pu entendre correctement ce que lui disait le médecin en raison d’un problème d’audition. C’est sa petite fille qui a dû lui répéter ce qui venait d’être dit et qui lui a donc appris qu’il était mourant.
Choquée par la méthode employée par l’hôpital et le médecin de son grand-père, Annalisia Wilharm a filmé la scène, qu’elle a ensuite partagée sur Facebook. Les réactions outrées n’ont pas tardé à pleuvoir sur le réseau social. "Un docteur robot peut être OK pour certaines situations mais pas pour dire à un homme qu'il va mourir", s’insurge ainsi une amie de la famille sous la photo partagée par d’Annalisia Wilharm.
"Le terme robot est inexact et imprécis"
Face à l’ampleur prise par la polémique, l’hôpital en question, le Kaiser Permanente Medical Center de Fremont a fini par réagir. Dans un communiqué, la vice-présidente principale de Kaiser Permanente Michelle Gaskill-Hames présente ses condoléances à la famille, mais défend aussi l’approche choisie par l’établissement hospitalier. "Nous utilisons la technologie vidéo comme une amélioration appropriée pour l'équipe de soins et un moyen d'apporter une expertise consultative supplémentaire au chevet du patient", écrit-elle.
Avant de préciser que "le terme 'robot' est inexact et imprécis". "Cette technologie vidéo privée est une conversation directe avec un médecin (…) Elle ne remplace pas les conversations continues et en personne avec le patient ou sa famille. "Nous regrettons de ne pas avoir répondu aux attentes du patient et de la famille dans ce cas-là et nous nous en servirons pour voir comment nous pouvons améliorer les expériences des patients par lien vidéo", conclut Michelle Gaskill-Hames.
Désormais, la famille Quintana espère que le Kaiser Permanente et que tous les autres hôpitaux dotés de robots examineront leurs politiques et leur intégration de la technologie dans les soins prodigués aux patients. "Je ne veux pas que cela arrive à quelqu'un d'autre. Cela ne devrait tout simplement pas arriver", a déclaré Catherine Quintana, la fille d’Ernest Quintana, dans l’interview accordée à KTVU.