En Europe, un couple sur six n’arrive pas à avoir d’enfants. Dans le cas de l’infertilité masculine, la principale cause connue est un problème dans l’ADN du sperme. Toutefois, chez beaucoup d’hommes infertiles, l’ADN du sperme prélevé directement dans les testicules est aussi correct que celui des autres, a révélé une nouvelle étude britannique présentée au Congrès de l’Association Européenne d’Urologie qui se tient à Barcelone du 15 au 20 mars. Ainsi, dans le chemin parcouru entre les testicules et les nombreux conduits menant à l’éjaculation, l’ADN du sperme peut subir des dommages, certains étant dus au stress oxydatif. À terme, cette découverte pourrait peut-être aider à combattre l’infertilité masculine.
Pour en arriver à ces conclusions, des scientifiques britanniques ont prélevé des échantillons de sperme des testicules et des éjaculations de 63 hommes infertiles pour les étudier. Ces derniers avaient tous tenté un traitement de fertilité dans le passé et y avaient mal répondu. Ils ont ensuite comparé les prélèvements à ceux de 76 volontaires fertiles.
"Quand nous avons examiné le sperme éjaculé, nous avons découvert que l’extension de dommage de sperme éjaculé était bien plus élevé chez les hommes infertiles que chez les autres (respectivement 40% contre 15%). Cela n’a pas été une surprise de voir plus de dommages de l’ADN dans l’éjaculation des hommes infertiles. Ce à quoi nous ne nous attendions pas en revanche, c’est que nous avons découvert en étudiant le sperme pris directement des testicules des hommes infertiles : sa qualité était similaire à celle du sperme éjaculé des hommes fertiles", s’enthousiasme le chercheur Mr Jonathan Ramsay, urologue à l’Imperial College de Londres, qui a participé à l’étude.
Le stress oxydatif en cause
La majorité des dommages de l’ADN subis entre les testicules et l’éjaculation est causé par le stress oxydatif. Ce dernier intervient quand la personne a une mauvaise hygiène de vie, qu’elle mange mal, fume régulièrement ou reste assise devant son ordinateur à longueur de temps. Des maladies comme la maladie de Crohn ou le diabète de type 2 peuvent également provoquer du stress oxydatif.
À terme, ces résultats "pourraient conduire à prélever du sperme directement des testicules des hommes qui ont une éjaculation "abîmée" et qui n’ont pas répondu positivement aux traitements (…) Nous devons toutefois être conscients des limites de cette étude. Nous ne pouvons pas prouver encore que l’ADN du sperme est la principale cause de l’infertilité masculine chez ces hommes, ou qu’utiliser directement du sperme des testicules pourrait augmenter leur chance de faire un enfant. Cependant les recherches orientent clairement dans cette direction", explique le Professeur Sheena Lewis, de l’Université de Belfast, également impliquée dans ces recherches.
3,1% d’enfants nés par procréation médicale assistée en France en 2015
"Les couples qui n’arrivent pas à avoir d’enfants en raison de l’infertilité masculine ont souvent recours à des techniques de reproduction assistées telles que la fécondation in vitro (FIV) ou les injections intra-cytoplasmiques de spermatozoïdes (ICSI). Les taux de succès de ces méthodes sont plutôt faibles et des facteurs divers les influencent. Dans beaucoup de pays européens, quelques cycles sont remboursés, ce qui veut dire que les couples devraient optimiser leurs chances de succès. Cette étude (…) montre que l’intégrité de l’ADN chez les hommes infertiles est plus élevé dans le sperme venant des testicules que celui éjaculé. L’intégrité de l’ADN étant connue pour jouer un rôle dans les taux de fertilité dans la reproduction assistée, ces résultats pourraient servir dans la décision d’avoir recours au sperme prélevé dans les testicules ou au sperme éjaculé pour augmenter les taux de succès de la fertilisation assistée chez les hommes souffrant de dommages de l’ADN", commente le professeur Maarten Albersen (UV Leuven, Belgium, extérieur à l’étude. Toutefois, les recherches doivent aller plus loin avant d’adopter cette stratégie alternative, conclut-il.
En France, environ 15% des couples en âge de procréer consultent à un moment ou l’autre de leur vie pour une difficulté à faire un enfant. On considère l’infertilité masculine dans environ la moitié des couples infertiles. Elle est déterminée via un spermogramme, examen qui consiste à examiner en laboratoire les spermatozoïdes contenus dans le sperme et à en évaluer le nombre, leur mobilité, leur morphologie et la présence dans le sperme de cellules en nombre anormal. Un manque de spermatozoïdes, une mauvaise mobilité ou une anomalie de forme signalent une infertilité. Si ces origines sont inexpliquées, de nombreux couples se tournent vers les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP).
En 2015, 3,1% des enfants sont nés grâce à une AMP dans l’Hexagone, d'après l'INSERM. Soit 25 000 naissances sur 145 000 tentatives. Peut-être ces nouvelles découvertes permettront-elles de changer la donne.