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Antibiotiques

Des virus provenant des égouts capables de tuer les bactéries résistantes aux antibiotiques

Par Johanna Hébert

La France apprivoise peu à peu les virus phages, capables de tuer les bactéries multirésistantes. 

iprogressman / istock

En 2050, les infections résistantes aux antimicrobiens pourraient devenir la principale cause de décès dans le monde, selon un rapport commandé par le gouvernement britannique en 2014. La résistance aux antibiotiques devient un réel enjeu de santé publique. Malgré ce constat alarmant, il existe des pistes afin de tuer ces bactéries résistantes.

Parmi elles, les virus phages, qui proviennent notamment des égouts. Naturellement présents dans l’eau, "les phages viennent se coller sur les bactéries et les tuent de l’intérieur". Ils sont considérés comme des armes "de destruction massive de la bactérie", comme l’explique le Pr Frédéric Laurent, chef du service bactériologie de l’Hôpital de la Croix-Rousse à Lyon, où l’AFP a pu suivre un traitement par phages.

De plus en plus de risques d’infection

Les phages ont été découverts en 1917 par le franco-canadien Félix d’Hérelle. Collaborateur à l’Institut Pasteur, il avait observé des zones près du Gange où le choléra disparaissait par endroits. Cependant, lorsque les antibiotiques ont émergé, les pays occidentaux les ont vite abandonnés.

Aujourd’hui, alors que les infections résistantes aux antibiotiques sont de plus en plus fréquentes, la communauté scientifique remet ses espoirs dans les virus phages. D’autant qu’avec le vieillissement de la population, les médecins ont de plus en plus recours aux prothèses de hanche ou de genou. "Lorsqu’on pose une prothèse, il y a un risque incompressible de 1 à 2% de développer une infection, qui monte même à 30% pour certains patients", détaille le Pr Tristan Ferry, spécialiste des infections ostéoarticulaires à la Croix-Rousse, à la tête d’une équipe de recherche clinique sur les phages.

Bientôt des traitements par phages sur le marché ?

Depuis 2016, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a autorisé une vingtaine d’administrations de traitement par phages. Cela était à titre "compassionnel", c’est-à-dire en ultime recours pour les patients. Mais l’ANSM souhaite aller plus loin. Dès cette année, elle compte délivrer des autorisations temporaires d’utilisation (ATU), étape avant l’autorisation de mise sur le marché.

Pour Christophe Novou, fondateur de l’association Phages sans frontières, "c’est une bonne nouvelle mais il ne faut pas qu’elles soient délivrées au compte-gouttes". Cet homme a dû se faire opérer 49 fois de la jambe, avant que les phages parviennent à la sauver. "Je ne comprends pas pourquoi ça ne revient pas plus vite sur le devant de la scène. Les gens qui demandent des phages n’ont plus de temps: ils risquent soit la mort, soit l’amputation. Qu’est-ce qu’on perd à leur faire essayer les phages?", plaide-t-il.

De multiples espoirs, mais des risques

Avec son association, Christophe Novou aide les patients à se fournir en phages en Géorgie. Mais cela est risqué car un phage mal reproduit peut tuer. "Produire des bactériophages de qualité est complexe et coûteux. Les phages géorgiens ne sont pas utilisables ici, car pas assez purifiés", explique le Pr Ferry.

En France, une start-up travaille depuis dix ans sur les phages et sur leur capacité à soigner les staphylocoques dorés, Pseudomonas aeruginosa et bientôt E.coli. D’autres voies de traitement sont ouvertes par les virus phages, notamment pour les personnes diabétiques qui doivent parfois se faire amputer d’un pied, ou encore les infections respiratoires des malades de la mucoviscidose.