"Il ne faut pas aller jusqu’à dire que c’est cancérigène parce qu’on dit quelque chose qui n’est pas vrai et qu’on alimente les peurs". Cette phrase a été prononcée par Emmanuel Macron , au sujet du chlordécone, le 1er février lors d’une réunion avec des élus d’outre-mer. Une étude parue jeudi 21 mars dans International Journal of Cancer contredit les propos du président de la République. D’après deux chercheurs français, être exposé à ce pesticide augmente les risques de récidive du cancer de la prostate.
Un produit utilisé jusqu’en 1993
En 1979, l’Organisation mondiale de la santé a classé le chlordécone comme cancérogène possible. Le produit a continué à être utilisé dans les bananeraies antillaises jusqu’en 1993, date de son interdiction. Il permettait de tuer le charançon du bananier, un insecte destructeur de cultures. Aujourd’hui, les Antilles françaises sont largement contaminées : sols, rivières, bétail, légumes, les traces du produit chimique devraient rester encore pendant des siècles.
Plusieurs recherches indiquent que le pesticide ultra-toxique serait responsable de troubles neurologiques sévères (troubles de la motricité, de l’humeur, de l’élocution et de la mémoire immédiate, mouvements anarchiques des globes oculaires) et de troubles testiculaires. En 2010, Luc Multigner, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, et Pascal Blanchet, chef du service urologie au CHU de la Guadeloupe, montrent que le chlordécone est associé à une hausse significative du risque de cancer de la prostate, dans une étude parue dans le Journal of Clinical Oncology. Dans cette nouvelle recherche, menée par les mêmes scientifiques, on apprend que l’exposition au pesticide peut multiplier jusqu’à trois fois le risque de récidive du cancer de la prostate.
La concentration de chlordécone dans le sang comme indicateur de risque
326 hommes ont participé à l’étude, qui a duré six ans : tous ont été atteints d’une forme de cancer de la prostate et soignés par prostatectomie, l’ablation de la glande prostatique. Leur concentration de chlordécone dans le sang a été analysée : lorsqu’elle atteint 1 microgramme par litre le risque de récidive du cancer de la prostate double, voire triple, en comparaison aux hommes non exposés. D’après les deux scientifiques, le produit ultra-toxique pourrait aider à la prolifération des cellules tumorales toujours présentes dans l’organisme après l’ablation. 15% de la population antillaise aurait ce niveau de chlordécone dans le sang.
Dans les Antilles françaises, les hommes sont largement plus touchés par le cancer de la prostate : on compte 230 nouveaux cas pour 100 000 personnes chaque année en Martinique. Dans cette île et en Guadeloupe, la maladie est deux fois plus fréquente qu’en métropole.