Moins d’une personne sur un million. Telle est la probabilité d’être touché par Lafora, maladie génétique rare. Tellement rare que l’on n'en parle jamais. Et pourtant, cette affliction contre laquelle il n’existe à l’heure actuelle aucun traitement ne laisse aucune chance de survie à ceux qu’elle attaque. En effet, une fois diagnostiqué, le patient, le plus souvent très jeune, n’a plus que cinq à dix ans à vivre dans d’atroces souffrances. Aujourd’hui Emilie Foulastier, présidente de l’association France Lafora, aide Pourquoi Docteur à faire le point sur cette maladie bien trop longtemps laissée pour compte.
Dans 80% des cas, c’est une mutation génétique qui est responsable de Lafora. Pour contracter la maladie, le gène défaillant en cause doit l’être chez l’un des deux parents. "Les premiers signes cliniques surviennent au cours de la seconde enfance vers l'âge de 12 ans et se caractérisent par des crises d'épilepsie et des secousses myocloniques (contractions musculaires rapides et incontrôlées qui touchent le visage et l'ensemble du corps, NDLR). L'évolution de la maladie est marquée par une dégénérescence lente et progressive du système nerveux et une détérioration des fonctions cérébrales aboutissant à un état de dépendance complète du malade. Celui-ci devient alors incapable de se mouvoir, de parler, de s'alimenter seul. Il n'existe actuellement aucune thérapie permettant de soigner ni même de ralentir la progression de la maladie", explique Emilie Foulastier qui a elle-même perdu son frère Anthony à cause de Lafora quand elle avait 18 ans.
A la suite de quoi, elle a décidé de s’engager personnellement dans la lutte contre la maladie en devenant un membre actif de l’association France Lafora, créée en 1995 par le père d’un enfant atteint. Il y a six ans, elle est devenue présidente de cette organisation qui a pour but de "faire connaître la maladie, aider financièrement la recherche et informer les familles des patients".
"Une maladie extrêmement rare qui intéresse très peu"
Et pour faire connaître la maladie, il y a encore du travail. "En Europe, on estime qu'une maladie est rare quand elle touche une personne sur 2 000. Lafora touche une personne sur un million, donc nous sommes sur une maladie extrêmement rare qui intéresse très peu. Elle fait partie des maladies orphelines pour lesquelles le petit nombre de malades ne permet pas à l'industrie pharmaceutique d'amortir les coûts de recherche et de développement de médicaments qui soigneraient la maladie. La recherche est donc financée uniquement par des dons privés", développe Emilie.
Concernant la recherche, France Lafora y participe bien sûr activement. "Nous fonctionnons uniquement avec des bénévoles et minimisons tous nos coûts afin que les dons aillent à 97% à la recherche. Je suis fière de cela", détaille Emilie qui finance actuellement le Professeur Minassian dont les travaux aux Etats-Unis ont réussi à mettre au point un médicament guérissant des souris atteintes de Lafora. Ce produit passera en étude sur les enfants d’ici les deux prochaines années.
"Cette étude concernera à peu près 40 malades relativement jeunes durant deux années, elle servira comme bras de contrôle pour l'essai clinique qui suivra où les patients recevront le médicament", précise Emilie qui ignore encore si une commercialisation sera un jour possible. Et de rappeler : "Nous avons encore plus besoin de soutien financier pour amorcer cette dernière ligne droite !"
En attendant, gérer la colère et la frustration des parents endeuillés
Dans le même temps, également aux Etats-Unis, des chercheurs de l’Université du Kentucky ont publié dans le Journal of Biological Chemistry une étude sur Lafora et la "fenêtre unique sur le métabolisme du glycogène", un glucide que les cellules convertissent en énergie.
Selon les chercheurs, le glycogène, indispensable à la vie ne serait pas suffisamment efficace chez les patients atteints de Lafora. Cela provoquerait donc une neurodégénérescence ou mort cellulaire. Les chercheurs poursuivent actuellement des essais pré-cliniques portant sur au moins quatre options thérapeutiques. A terme, ce lien établi entre glycogène et Lafora pourrait peut-être permettre d’aboutir à des traitements potentiels.
En attendant, France Lafora doit gérer la révolte des parents endeuillés. Rien qu'au cours de ces dernières semaines, deux enfants, Mikael et Romane, sont morts de Lafora. "Ce deuil ne se gère pas mais il se vit. Il faut savoir trouver sa place, avec beaucoup de pudeur. L'accompagnement le plus difficile pour ma part est l'annonce de la maladie. Beaucoup de questions, avec parfois aucune réponse ce qui peux engendrer de la frustration ou de la colère auprès de la famille, et je le comprends. Je me concentre principalement sur le recherche de financement pour enfin apporter toutes les réponses", raconte Emilie. Et de conclure : "Le combat est long, difficile mais je suis confiante en l'avenir".