Contrairement à ce que les scientifiques ont longtemps pensé, la neurogenèse, c’est-à-dire la fabrication par notre cerveau de nouvelles cellules cérébrales, n’atteint pas son apogée à l’âge adulte avant de lentement décliner. C’est même le contraire : le cerveau humain serait capable de produire en abondance de nouveaux neurones, et ce jusqu’à un âge avancé.
C’est ce que met en lumière une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université autonome de Madrid, et publiée lundi 25 mars dans la revue Nature Medicine. Selon son auteure principale, la neuroscientifique María Llorens-Martín, le cerveau humain peut fabriquer de nouvelles cellules cérébrales jusqu’à un âge avancé. Ces résultats pourraient à terme aider les médecins à diagnostiquer de manière plus précoce les personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer, mais aussi les identifier avant même que les premiers symptômes n’apparaissent.
Des cellules cérébrales qui se renouvellent toute la vie
Comme le précise Le Monde, l’idée que le cerveau humain adulte ne produit plus de nouveaux neurones "une fois les sources de croissance et de régénération irrévocablement taries" revient à Santiago Ramon y Cajal, lauréat du prix Nobel de physiologie et de médecine en 1906.
Depuis, de nouvelles études contradictoires ont été publiées, les unes confirmant cette théorie, les autres établissant au contraire que la neurogenèse se poursuit jusqu’à un âge avancé. L’année dernière encore, des travaux publiés dans la revue Nature suggéraient que la fabrication de nouveaux neurones par le cerveau humain culmine pendant l’enfance, avant de chuter une fois adulte.
Les recherches menées par l’équipe de María Llorens-Martín sont donc très éclairantes. Pour les mener à bien, les scientifiques ont mené une batterie de tests sur les tissus cérébraux de 13 personnes décédées âgées de 43 à 87 ans, qui étaient toutes en bonne santé neurologique au moment de leur mort. Ils ont découvert que si leur cerveau contenait bien de nouveaux neurones, le nombre de ces cellules cérébrales diminuait progressivement avec l’âge. Ainsi, entre 40 et 70 ans, le nombre de neurones « neufs » détectés dans l’hippocampe passe de 40 000 à 30 000 par millimètre cube. Cette réduction progressive du nombre de nouvelles cellules cérébrales semble donc aller de pair avec le déclin cognitif associé au vieillissement.
Deux à trois fois moins de nouveaux neurones chez les malades d’Alzheimer
Les chercheurs ont aussi analysé les cerveaux de 45 personnes âgées de 52 à 97 ans, chez qui on avait diagnostiqué la maladie d’Alzheimer avant leur décès. Tous présentaient bien de nouvelles cellules cérébrales, y compris la personne âgée de 97 ans. En revanche, cette neurogenèse différait nettement de celle de personnes n’étant pas touchées par Alzheimer. Même chez celles qui n’en étaient qu’au tout début de la maladie, leur cerveau ne comptait que de la moitié à trois quarts du nombre de neurones neufs par rapport aux sujets en bonne santé cérébrale.
"Ceci est très important pour le domaine de la maladie d'Alzheimer car le nombre de cellules que vous détectez chez des sujets sains est toujours supérieur au nombre détecté chez les patients atteints de la maladie d'Alzheimer, quel que soit leur âge", explique le Pr Llorens-Martín, citée par The Guardian. "Cela suggère qu'un mécanisme indépendant, différent du vieillissement physiologique, pourrait entraîner ce nombre décroissant de nouveaux neurones." Selon la chercheuse, des scanners cérébraux seront probablement un jour capables de détecter les cellules cérébrales nouvellement formées et de diagnostiquer ainsi la maladie d'Alzheimer à ses débuts.