Les pénuries de médicaments sont en constante aggravation depuis plusieurs années : les professionnels tirent la sonnette d’alarme. Pour étudier l’ampleur de ce phénomène, très présent aux Etats-Unis, une équipe de chercheurs a sondé plus de 700 pharmacies d’hôpitaux. Une lettre de recherche publiée dans le numéro du JAMA Internal Medicine du 25 mars présentait les résultats de l’enquête. Leur objectif était de déterminer à quel point les pénuries de médicaments étaient courantes, quels hôpitaux étaient les plus touchés et comment les hôpitaux planifiaient et géraient la pénurie de médicaments.
Plus de 50 pénuries en 1 an pour 70% des pharmacies
Les résultats sont stupéfiants : "tous les répondants ont signalé des pénuries de médicaments au cours de l'année précédente", a déclaré Andrew Hantel, l’un des auteurs de l'étude. Près de 500 directeurs de pharmacie (environ 70%) ont signalé plus de 50 pénuries. La plupart des répondants ont déclaré qu’ils avaient moins d’un mois pour se préparer à une pénurie à partir du moment où un médicament devenait rare. Ces cas sont plus fréquents dans les hôpitaux universitaires et leurs filiales que dans les hôpitaux communautaires.
Ces pénuries sont extrêmement courantes. La Société américaine des pharmaciens d'hôpitaux (ASHP) tiens une liste des médicaments concernés : actuellement, 226 médicaments, allant de l'abciximab injectable au vaccin contre la fièvre jaune, sont en pénurie. Le fabricant d’abciximab (ReoPro®), un médicament utilisé pour prévenir les complications ischémiques cardiaques, "ne peut garantir la continuité de l’approvisionnement"… et il n'y a pas d'autres fournisseurs. Quant au fournisseur du vaccin contre la fièvre jaune, il fait état de "retards de production". Encore une fois, il n'y a pas de source de secours pour le médicament.
Un rationnement de médicament forcé
Et cette pénurie a des conséquences : les médecins sont obligés de rationner les médicaments en prévision de la prochaine pénurie. L’étude a en effet montré que 81% des pharmacie dans les hôpitaux ont volontairement stocké les médicaments. Les managers auraient pris cette décision en réponse à une pénurie de médicaments l’année précédente.
De plus, un pharmacien sur trois interrogé a déclaré que son hôpital ne disposait d'aucun mécanisme administratif valable pour l'aider à faire face à une pénurie. En conséquence, dans les cas les plus graves, les auteurs notent que les pénuries obligent les cliniciens à décider "quels patients recevront les médicaments dont ils ont besoin, et quels patients ne les recevront pas. Cela peut conduire à un rationnement des médicaments entre patients". Les auteurs notent néanmoins que ce rationnement des patients "n’est pas une pratique courante".