La science l’a déjà prouvé depuis longtemps, le statut social-économique (SSE) a un impact sur la santé. Une éducation pauvre et de faibles revenus augmentent les risques de faire des crises cardiaques, de développer du diabète, des cancers, des maladies infectieuses, des inflammations chroniques ou encore une résistance à l’insuline. Mais dans une étude parue dans la revue American Journal of Physical Anthropology, des chercheurs approfondissent encore le lien entre pauvreté et biologie. D’après leurs travaux, la pauvreté pourrait être inscrite dans les gènes.
Pour en arriver à ces conclusions, des chercheurs de l’Université de Northwestern à Chicago ont testé la méthylation de l'ADN (marque épigénétique ayant la faculté de former l’expression des gènes) dans les globules blancs de 489 participants âgés d’une vingtaine d’années. Ils ont également mesuré leur SSE au cours de leur petite enfance, de leur enfance puis de leur vie adulte. Ce faisant, ils ont découvert qu’un statut social-économique faible était associé à des niveaux de méthylation de l’ADN dans plus de 2 500 zones et plus de 1 500 gènes. Ainsi, la pauvreté laisserait des marques sur près de 10% des gènes dans le génome.
"Nous savions depuis longtemps que le statut social économique avait un impact important sur la santé mais les mécanismes sous jacents à travers lesquels nos corps se souviennent de la pauvreté pauvretés restent inconnus", explique le Professeur McDade, professeur d’anthropologie au Collège Weinberg des arts et des sciences à l’Université de Northwestern et directeur du Laboratoire de Recherches de Biologie Humaine qui a mené l’étude.
"Il n’y a pas de nature versus culture"
"Nos découvertes suggèrent que la méthylation de l’ADN pourrait jouer un rôle important dans le lien entre problèmes de santé et SSE (…) Ce modèle met en lumière le potentiel mécanisme à travers lequel la pauvreté peut avoir un impact durable sur un large éventail de systèmes psychologiques", poursuit-il. Par ailleurs, les expériences acquises au cours de l’existence s’encrent dans le génome pour littéralement former sa structure et sa fonction. En conclusion, "il n’y a pas de nature versus culture", insiste McDade.
Des études complémentaires doivent maintenant avoir lieu afin de déterminer les conséquences sur la santé de la méthylation dans les zones identifiées mais beaucoup de ces gènes sont associés avec des processus liés aux réponses immunitaires à l’infection, ainsi qu’au développement du squelette et du système nerveux. "Ce sont des zones sur lesquelles nous nous concentrerons pour déterminer si la méthylation de l’ADN est en effet un mécanisme important au travers duquel le statut socio-économique peut laisser une empreinte moléculaire majeure sur le corps, avec des implications pour la santé à long terme", conclut McDade.
De nombreuses études ont déjà mis en lumière le déterminisme de la pauvreté dans le passé. En 2016, des chercheurs américains de l’Université de Caroline du Nord avaient par exemple établi qu’une mauvaise alimentation de la mère, une prévalence d’alcoolisme, de toxicomanie ou de violences pouvaient altérer les gènes d’un enfant jusqu’à l’adolescence. Ils avaient ainsi identifié une corrélation entre le statut économique des jeunes et une production moins élevée de sérotonine- communément appelée hormone du bonheur-, ce qui conduirait à un risque plus élevé de dépressions.