Le cancer du sein est le plus diagnostiqué chez la femme: en 2017, près de 60 000 nouveaux cas en France. Cette même année, la maladie a causé 12 000 décès dans l’Hexagone. Toutefois, son taux de mortalité a grandement diminué en 15 ans en raison d’un meilleur dépistage et de thérapies plus efficaces car ciblées.
Malheureusement, aujourd’hui encore, certaines patientes ne répondent pas à ces traitements qui bloquent des mécanismes spécifiques des cellules cancéreuses, à la différence de la chimiothérapie qui tue toutes les cellules en développement, qu’elles soient cancéreuses ou pas. D’après une nouvelle étude présentée lors de la rencontre annuelle de l’American Society for Investigative Pathology qui a lieu à Orlando, en Floride (Etats-Unis) du 6 au 9 avril, ces malades présentent des modèles de modifications épigénétiques (modifications qui changent l’expression des gènes sans altérer le code génétique de l’ADN) différents des autres. A terme, ces découvertes pourraient aider à prédire qui pourrait ne pas répondre à la thérapie ciblée, espèrent les scientifiques.
Pour en arriver à ces conclusions, des chercheurs de l’Université de Laval au Canada ont examiné un type de changement épigénétique appelé méthylation de l’ADN dans les tissus malades de 12 patientes atteintes d’un cancer du sein HER2 ayant reçu des thérapies ciblées à base de trastuzumab. Ce traitement, connu sous le nom commercial Herceptin, fait partie de la famille des anticorps monoclonaux et a été spécialement conçu pour bloquer la protéine HER2 qui a la propriété de favoriser la croissance des cellules à la surface du sein.
Parmi les participantes, six avaient bien répondu à ce traitement et six pas du tout. En comparant leurs modèles de méthylation de l’ADN, les chercheurs ont découvert que les tissus malades des patientes résistantes à la thérapie ciblée présentaient 879 gènes avec des niveaux de méthylation plus hauts et 293 gènes avec des niveaux plus bas que les autres.
Identifier les patientes nécessitant un suivi médical plus approfondi
"Il s’agit de l’une des premières études à évaluer l’impact des modifications épigénétiques sur la réponse du traitement aux thérapies ciblées dans un sous groupe de patientes malades", explique la chercheuse Daniela Furrer qui présente ces travaux. "Nous avons mesuré ces changements directement dans les tissus malades et étudié les modifications épigénétiques à travers toutes les cellules du cancer du sein", poursuit-elle. A terme, ces découvertes pourraient "contribuer à de nouvelles manières de prédire qui pourrait ne pas répondre à la thérapie ciblée (…). Cela pourrait aussi mener à de nouvelles façons d’identifier des patientes ayant besoin d’un suivi médical plus approfondi car plus sujettes aux rechutes", espère la scientifique.
Désormais, cette étude doit valider ses résultats dans un groupe plus large de patientes atteintes du cancer du sein sous thérapie ciblée. S’ils sont confirmés, les chercheurs pourront développer de nouveaux médicaments visant les voies moléculaires et les processus cellulaires liés à l’échec du traitement ciblé par méthylation de l'ADN.
En France, la thérapie ciblée a fait son apparition dans les années 2000. Dans le détail, "les thérapies ciblées anticancéreuses sont des médicaments qui visent à bloquer la croissance et/ou la propagation des cellules tumorales en s’attaquant spécifiquement à certaines de leurs anomalies. Leur mode d’action principal passe par une inhibition des mécanismes mêmes de l’oncogenèse avec une spécificité importante pour les cellules cancéreuses ou leur microenvironnement", explique l’Institut National du Cancer sur son site.
Fin 2015, un médicament anticancéreux sur quatre appartenait à la classe des thérapies ciblées. Toutefois, si ces traitements permettent une médecine plus précise et personnalisée qu’une chimiothérapie classique moins sélective, ils ont un coût non négligeable. Il y a deux ans encore, les thérapies ciblées crevaient les plafonds en terme de dépense. Ainsi, sur la liste des médicaments hors budget des hôpitaux, elles représentaient tout de même la moitié des sommes allouées aux anticancéreux.