"Nos corps fournissent un créneau unique qui facilite l'innovation au niveau microbien". Que signifie cette affirmation du professeur Gustavo Caetano-Anolles de l'Institut de biologie de l'Illinois (Etats-Unis) dont les travaux viennent d'être publiés dans la revue Scientific Reports ? Que les bactéries qu'abritent nos organismes y trouvent un terrain très propice pour évoluer. Pour notre plus grand bien puisque nous ne pouvons pas vivre sans certaines d'entre elles qui survivent ainsi en s'adaptant, mais aussi pour notre malheur si ces évolutions touchent des bactéries pathogènes qui utilisent cette capacité pour échapper et résister aux traitements censés les combattre, comme les antibiotiques.
Des échanges 30% plus élevés dans nos organismes
Les chercheurs ont mis au point une méthode informatique permettant d'identifier des exemples de transfert horizontal de gènes, un mode de transfert qui permet à un micro-organisme de s'adapter et d'évoluer en dehors d'un processus classique de reproduction. Et ils ont abouti à la conclusion que ces échanges horizontaux entre microbes sont environ 30% plus élevés dans nos organismes que dans la nature.
A partir de l'observation d'une bactérie échantillonnée depuis six zones du corps humain (l'intestin, la peau, la cavité buccale, le sang, le tractus urogénital et les voies respiratoires), il est apparu que des échanges de gènes pouvaient se faire entre micro-organismes vivant dans les mêmes parties du corps, mais aussi entre bactéries de différents tissus, comme par exemple entre des organismes présents dans les intestins et d'autres vivant dans le sang.
"Une valeur significative en termes de santé publique"
Ces échanges de gènes entre bactéries au-delà de la barrière des tissus sont même plus fréquents (60%) que ceux observés entre des bactéries vivant sur le même tissu (40%).
"Une meilleure compréhension de ce phénomène a une valeur significative en termes de santé publique puisque l'émergence d'agents pathogènes multirésistants résultant de la propagation horizontale de gènes résistant aux antibiotiques est devenue une préoccupation mondiale", précise un des chercheurs.
Mais l'équipe de l'Institut de biologie de l'Illinois avance toutefois une réserve quant aux conclusions de ces travaux : "Certains de ces transferts de gènes pourraient être survenus avant que les microbes ne colonisent le corps humain et il se pourrait aussi que certaines bactéries colonisent différents sites du corps humain à différents moments de la vie, nous avons besoin de preuves expérimentales supplémentaires..."