Les antibiotiques frappent tous azimuts. La plupart sont incapables de distinguer les bactéries nocives de celles qui vivent naturellement dans notre organisme et qui participent à son bon fonctionnement. Résultat, les attaques de notre microbiote (l'ensemble des micro-organismes qui évoluent sainement dans notre corps) favorisent le développement des bactéries antibiorésistantes avec de très lourdes conséquences : "sans mesures d'urgence, nous entrerons bientôt dans une ère post-antibiotiques dans laquelle des infections courantes et de petites blessures seront à nouveau mortelles", alerte l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Cibler et détruire les bactéries pathogènes
Dans ce contexte, une étude menée par l'Institut Pasteur à Paris et l'Université polytechnique de Madrid, publiée le 15 avril dans la revue Nature Biotechnology, apporte un espoir : elle montre une avancée dans la capacité de cibler et détruire uniquement les bactéries pathogènes résistantes en épargnant celles dont notre organisme a besoin. Mécaniquement, cela repose sur le principe de la grenade : quand on maintient la goupille, l'arme est inoffensive, quand on la retire, elle explose. Restait à trouver comment identifier la bactérie "ennemie" et dégoupiller la grenade à bon escient.
Une toxine antibactérienne placée dans une bactérie donneuse
Les cellules bactériennes contiennent souvent des plasmides, des structures en anneau constituées d'ADN. Didier Mazel de l'Institut Pasteur et ses collègues ont donc créé des plasmides portant l'empreinte génétique d'une toxine antibactérienne qui ont été chargés dans une bactérie donneuse. Voilà pour la grenade. Et ces plasmides contiennent également des gènes qui servent de commutateurs permettant à la toxine d'être produite uniquement après que ces plasmides ont atteint les bactéries cibles. Voilà pour la goupille. Quant au "lanceur" de cette grenade génétique, c'est la bactérie donneuse qui transfère ses plasmides aux cellules de la bactérie cible.
100% des bactéries tuées dans un test en laboratoire
Le mécanisme a été testé en laboratoire sur la bactérie Vibrio Cholerae, présente chez les poissons, qui est à l'origine du choléra et qui résiste aux antibiotiques. Les plasmides ont tué 100% de ces bactéries qui avaient infecté des poissons zèbre et des crevettes de saumure en laissant intactes les bactéries du microbiome (ensemble de gènes présents dans le microbiote) des animaux. "Le système peut être facilement adapté à d'autres bactéries", précise Didier Mazel. En effet, les commutateurs génétiques des plasmides peuvent être personnalisés pour être dirigés et détoner dans une large gamme d'agents pathogènes.