C'est une nouvelle qui va faire du bruit ! Pour les Anglais, la cigarette électronique devrait être un médicament. Londres entend en effet obtenir dès de 2014 de Bruxelles que l’ensemble des produits hors-tabac contenant de la nicotine soient considérés comme des dispositifs médicaux soumis à autorisation de mise sur le marché. La demande vise avant tout la e-cigarette.
Dans un communiqué, le Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency (Mhra), organisme chargé de la réglementation de tous les médicaments et dispositifs médicaux au Royaume-Uni, avance deux arguments pour justifier cette prise de position. Le Mhra, l'équivalent de l'Agence française de sécurité du médicament (Ansm) considère que les cigarettes électroniques contiennent de la nicotine et peuvent ainsi être considérées comme des produits de sevrage du tabagisme. En outre, les utilisateurs sont en droit, selon l'Agence, de demander des garanties d’innocuité et d’efficacité équivalentes à celles offertes par des médicaments.
Les responsables du Mhra ont estimé aux vues de leurs recherches médicales et scientifiques que les cigarettes électroniques n'avaient pas fait plus la preuve de leur efficacité contre le fléau du tabagisme que les autres produits de substitution au tabac. Pour autant, tout comme les patchs et les gommes, les experts recommandent l'utilisation de ce tout nouveau produit, notammant pour limiter la consommation.
Et les Anglais souhaitent faire appliquer cette décision à l'échelle européenne. Comment ? En modifiant le droit communautaire afin de créer un statut juridique européen permettant que l’ensemble des produits contenant de la nicotine soient désormais considérés comme des médicaments ou des dispositifs médicaux.
Le bras de fer qui aura lieu à Bruxelles est pour bientôt. Car les britanniques espèrent obtenir gain de cause dans le cadre de la révision de la directive relative aux produits du tabac qui devrait être adoptée en 2014. En attendant les autorités sanitaires du pays encouragent tous les fabricants de e-cigarettes à entreprendre les travaux préliminaires à l’obtention d’une AMM. Elle serait en effet obligatoire si le produit était classé comme médicament.
La position britannique est différente de celle de l'Office français de prévention du tabagisme (Oft). Les experts français réunis autour du du pneumologue Bertrand Dautzenberg suggéraient dans leur rapport remis récemment à Marisol Touraine que les magasins qui vendent ces produits soient enregistrés et fassent l'objet d'une autorisation. Qu'il s'agisse de magasins spécialisés ou des buralistes. Mais pas question, selon les rapporteurs de réserver la vente de ce produit aux pharmaciens.
Ecoutez Dr Gérard Mathern, pneumologue et tabacologue à Saint-Etienne, l'un des experts du rapport Dautzenberg : « La e-cigarette doit être considérée comme un produit qui réduit les risques »
Et le Dr Gérard Mathern de revenir sur le choix qui a été fait par l'Oft. Pour les experts de cette office, la e-cigarette est un produit de consommation courante.
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Enfin, si l'Europe venait à trancher en faveur des Britanniques, c'est tout une économie qui se verrait bouleversée. Selon une étude du cabinet d'étude Euromonitor, les ventes d'e-cigarettes dans le monde ont atteint 2 milliards de dollars (1,5 milliard d'euros) en 2011, soit moins de 1% du marché global du tabac. Mais cette part devrait doubler d'ici à 2016 et atteindre 4% d'ici à 2050. «Il est difficile de ne pas remarquer l'intérêt grandissant que suscite ce produit et les perspectives d'explosion de ce marché de niche », souligne Euromonitor. En France, plus d'un million de consommateurs auraient déjà goûté à l'e-cigarette, et des dizaines d'entreprises françaises cherchent à se placer sur ce marché.